Un vaccin contre la rage qui fait débat
Vaccine-t-on à bon escient contre la rage en France, pays où le risque d’infection est très faible ? Une association appelle le gouvernement à modifier la loi.
« J’ai eu tellement peur de le perdre. » Isabelle est encore sous le choc de la mésaventure arrivée à Happy, son petit bichon blanc âgé de trois ans. En janvier dernier, elle emmène son chien chez le vétérinaire pour un rappel du vaccin de la rage. « De retour à la maison, au bout d’une demi-heure, je me rends compte qu’Happy n’était pas bien du tout. Très agité, il haletait beaucoup, ses yeux et ses babines étaient devenus rouges », raconte Isabelle. Elle contacte alors son vétérinaire qui lui demande de revenir en urgence. Happy fait une violente réaction au vaccin. Une piqûre plus tard, le chien est sorti d’affaire et le vétérinaire programme un nouveau rappel de vaccin dans un an. Une échéance qu’Isabelle appréhende désormais. Elle n’est pas la seule à se poser des questions sur le lien entre la vaccination antirabique et les problèmes de santé de son animal. 14 000 Français ont signé la pétition de l’association Canis Ethica sur mesopinions.com qui dit halte à la survaccination des chiens et des chats contre la rage dans l’Hexagone. Sa présidente, Thilo Hane, s’étonne que les vaccins antirabiques proposés par les laboratoires pharmaceutiques aient une durée d’immunité d’un an en France, contre deux à trois ans dans le reste de l’Europe. « Ce sont pourtant les mêmes produits ! » dénonce-t-elle.
Harmoniser les protocoles au niveau européen
Son objectif : inciter le gouvernement à modifier l’article 3 de l’arrêté du 10 octobre 2008 relatif aux conditions et modalités de la vaccination antirabique des animaux domestiques afin qu’il respecte le bien-être animal et oblige les laboratoires Intervet, Virbac et Zoetis à harmoniser leurs protocoles vétérinaires au niveau européen. Ce que la société Merial a déjà fait en proposant depuis 2014 un vaccin avec une immunité de trois ans en France. « Harmoniser les protocoles coûte cher. C’est pour cela que les fabricants le font au fur et à mesure », explique Jean-Claude Rouby, chef de l’unité immunologie à l’Agence nationale du médicament vétérinaire. Ce dernier rappelle que la rage reste une maladie mortelle pour l’homme. Néanmoins, « il revient aux vétérinaires ainsi qu’aux propriétaires de chiens et de chats de prendre leurs responsabilités et de décider au cas par cas si le vaccin est nécessaire ou pas ».
Nocivité de la vaccination annuelle
En effet, la vaccination contre la rage n’est obligatoire que pour les chiens dangereux et ceux voyageant en dehors du territoire. Mais, « comme il existe un risque de voir son chien ou chat abattu pour présomption de rage d’après l’article L223-9 du Code rural, la plupart des maîtres vaccinent leurs chiens chaque année », explique Thilo Hane. Pour cette dernière, la balance bénéfices/risques penche en faveur des risques. « Il existe de nombreuses preuves scientifiques françaises et étrangères de la nocivité manifeste de la vaccination annuelle », remarque-t-elle. Elle cite notamment le rapport de pharmacovigilance de l’Anses (2014) selon lequel 71 % des effets indésirables déclarés chez le chien pour les vaccins sont graves. « On crée un terrain favorable à l’immunodépression sur lequel se greffent tout un tas de pathologies », observe un vétérinaire qui préfère garder l’anonymat. Selon lui, les rappels au bout d’un an sont excessifs au vu des recommandations de l’Association vétérinaire mondiale des animaux de compagnie (Wsava) qui préconise que la fréquence d’administration des vaccins dits essentiels ne soit pas inférieure à trois ans. « Il y a des intérêts financiers en jeu pour les labos, mais aussi pour les vétérinaires, dont certains ne veulent pas se remettre en question », observe-t-il. Et pour cause, puisque, à chaque renouvellement de vaccin, les propriétaires déboursent entre 50 et 70 euros… Trois députés français de gauche et de droite ont récemment déposé des questions écrites au gouvernement afin de soulever ce problème qui concerne 20 millions de chats et de chiens dans l’Hexagone.