L’éducateur Paracétamol
Qui est-il ? Comment aborde-t-il les choses ? comment le reconnaître, donc l’éviter ?
Prenons d’abord un exemple concret, Jean-Pierre.
Votre voisin Jean-Pierre est un vrai con, il a mal aux dents depuis une semaine. Soyons clairs, il n’y a pas de lien de cause à effet. (Si tous les cons avaient mal aux dents on entendrait moins d’absurdités). Jean-Pierre est un con tout simplement car il se gave de paracétamol à tel point que c’en est devenu pour lui un régime alimentaire (mon cher Watson). Jean-Pierre ne semble pas avoir compris que cette douleur, comme la fièvre qui l’accompagne, est un symptôme. Jean-Pierre ne semble pas avoir conscience que la source de cette douleur et de cette fièvre est une infection carabinée. Avouez, votre voisin Jean-Pierre est vraiment un con n’est-ce pas ?
Là, je marque une pause, simplement pour me régaler en imaginant qu’un de vous a véritablement un voisin qui se prénomme Jean-Pierre, et qu’il aura nécessairement un jour mal aux dents…
Bref, en clair, Jean-Pierre ingurgite des caisses de Paracétamol, parce qu’il n’aime pas les symptômes dont il souffre, sa fièvre tombe, et la douleur diminue. A-t-il réglé le problème ?
Qu’est-ce qu’un éducateur Paracétamol ?
En éducation canine (j’utilise le mot éducateur, mais c’est valable pour certains comportementalistes, vétérinaires-comportementalistes, moniteurs de clubs…), une méthode consiste, comme le fait Jean-Pierre, à traiter les symptômes, sans à aucun moment tenir compte de la cause de ces symptômes.
Les adeptes de cette méthode sont les éducateurs Paracétamol.
Quand je dis adeptes, il faut être clair, les éducateurs Paracétamol n’ont pas conscience de l’être, et cela pour une simple raison. L’éducateur Paracétamol base tout son travail sur la théorie de la dominance et d’une hiérarchie inter-espèce stricte. Ces théories amènent l’éducateur Paracétamol à prendre son chien pour un être vivant dont le seul objectif est de « prendre le dessus », sur les autres chiens et sur le maître. Un chien qui tente de « dominer » est selon eux clairement identifiable, il tire sur la laisse, il force pour passer les postes, il dort sur le lit ou le canapé, il agresse ses congénères, devient agressif avec l’homme… En clair, il use de force pour asseoir cette dominance. Comment peut-on contrer cela ? Naturellement en usant d’encore plus de force… En contrant des symptômes, en se battant pour les faire disparaître…
Exemple : Bidibulle, le chien de Jean-Pierre, est agressif dès qu’il croise un congénère. L’éducateur Paracétamol n’aime pas trop ça et juge tout de suite que le chien est un dominant, il le pend donc en bout de laisse, et cela à chaque rencontre. Très rapidement, le chien comprendra qu’il ressentira une grande douleur lorsqu’il rencontrera un congénère, les symptômes, donc cette agressivité, disparaîtront rapidement.
C’est beau n’est-ce pas ? (Croyez-moi, cette pratique est encore très courante)
Ceci est véritablement l’effet pervers du travail de l’éducateur Paracétamol. En expliquant que tout son travail est basé sur la communication canine (haha), il va faire disparaître très rapidement des symptômes, mais le résultat obtenu est particulièrement sournois, je m’explique.
La cause de l’agressivité de Bidibulle n’a pas été décelée ou admise, l’éducateur Paracétamol ne la connaît pas, ou pire, n’en tient pas compte. Une cause possible peut être un traumatisme, ou même plusieurs, une série d’agression subies par Bidibulle par exemple, de la part d’autres chiens. Il sait pertinemment qu’une rencontre aboutira à un conflit, il prend les devants.
Que se passe-t-il dans le cas d’un (mauvais) « traitement » par un éducateur Paracétamol ?
L’éducateur Paracétamol va ajouter une douleur, dans le but de punir ce comportement non désiré (Ajout d’un stimulus aversif : Punition positive, P+), et le comportement tendra à disparaître, d’autant plus rapidement que cette aversion sera douloureuse.
Le problème de cette méthode, c’est que si le comportement gênant du chien a bien été éradiqué, les causes, elles, sont toujours là, dans ce cas, il s’agit de la crainte, de la certitude qu’un conflit va éclater, de la peur éventuellement. Imaginez dans quel état d’esprit se trouve le chien, le caractère anxiogène de la situation est très élevé, avec une impossibilité de réagir, sans quoi une douleur intense lui sera infligée, et toujours cette peur du congénère, avec cette certitude qu’un conflit naîtra. Avec le temps, il est possible que le chien s’habitue à cette situation, qu’il se résigne. Des chiens résignés, on en voit beaucoup dans certains clubs.
Autre méthode, le placage au sol.
Ce que moi je pense, est qu’en connaissant la cause du problème, on sait qu’une situation provoquera un dépassement du seuil de tolérance du chien. On sait aussi qu’il existe une distance en dessous de laquelle le chien déclenchera. La première chose à faire, selon moi, est de tester et « marquer » cette distance minimum, elle peut être de 3 mètres, comme de 50. Il faut ensuite arriver à déceler les facteurs aggravants (taille du congénère, robe, état d’esprit, joueur, provocateur…). Le travail est alors d’augmenter ce seuil de tolérance, et progressivement de réduire cette distance de déclenchement, jusqu’à ce que le chien tolère l’autre dans un premier temps à distance, puis de plus en plus près, puis qu’il l’accepte. Chaque séance de travail devra lui apporter une grande satisfaction, que la présence d’un congénère lui apporte du plaisir, que cette crainte de la rencontre se transforme progressivement en demande de la rencontre. Ce travail permet de créer une association, entre la présence d’un congénère, et une conséquence plaisante, et cela d’autant plus vite que les séances seront fréquentes.
Il est extrêmement important de ne jamais aller trop loin, de ne jamais laisser un conflit se produire, tout simplement car la régression est toujours beaucoup plus rapide que la progression. Il est impératif également de multiplier les séances courtes dans des circonstances différentes, dans des endroits différents, avec des congénères différents.
En aucun cas, on ne s’est attaqué aux symptômes, tout le travail a été fait sur la cause, la présence de l’autre était gênante pour Bidibulle (cause), progressivement, elle est devenue agréable, l’agressivité a disparu (symptôme). Ceci est assez schématique, cette désensibilisation peut prendre du temps, mais il est à mon sens impératif d’en passer par là pour obtenir un résultat fiable, et pour conserver une relation saine avec son chien.
Comment reconnaître un éducateur Paracétamol ?
L’éducateur Paracétamol est assez facilement reconnaissable, tant par ses gestes que par son discours, voyons un peu.
- L’éducateur Paracétamol parle beaucoup de hiérarchie, c’est d’ailleurs son fonds de commerce, rétablir une hiérarchie, mettre en place une hiérarchie, modifier la place du maître dans la hiérarchie… La notion d’Alpha est très présente également.
- L’éducateur Paracétamol a très souvent le même diagnostique : « Ha bah, oui, c’est un dominant, je l’ai vu tout de suite ! »
- L’éducateur Paracétamol est le plus souvent un homme, ayant moi-même déjà rencontré une éducatrice Paracétamole, je dois admettre qu’elles semblent très rares.
- La laisse est le prolongement du pénis de l’éducateur Paracétamol, il pense communiquer avec sa … laisse (bien que les chiens entre eux communiquent très peu avec cet outil). Sa laisse lui permet tout, grâce à elle, il assoit sa virilité et son hypothétique position hiérarchique, il peut étrangler, pendre, infliger des douleurs, secouer… Tout ce qu’il y a de plus intolérable.
- L’éducateur Paracétamol utilise sa force physique, tout en expliquant qu’il est un maître de la communication canine, souvent en plaquant le chien au sol par exemple (intolérable également).
- L’éducateur Paracétamol ne tient que très rarement compte de l’état d’esprit du chien, de sa posture, de la position de ses oreilles et de sa queue, et encore moins des signaux d’apaisement qu’il lui lance.
- L’éducateur Paracétamol n’est jamais aussi heureux qu’avec un chien agressif au bout d’une laisse.
- L’éducateur Paracétamol est d’une manière générale assez bas de plafond, certains n’ont d’ailleurs pas la lumière à tous les étages, ce qui leur confère une propension très développée à raconter de la merde, surtout et de préférence concernant le travail des gens qui ne sont pas d’accord avec leurs méthodes.
- Dernier petit truc, mais assez constant chez lui, l’éducateur Paracétamol adopte régulièrement des postures dignes des plus grand maîtres de Kung-Fu, avec parfois une manière de poser ses mains sur la laisse tout à fait étonnante…
Voilà, en sachant tout cela, vous reconnaitrez rapidement un éducateur Paracétamol, et vous saurez donc l’éviter.
Souvenez-vous toujours qu’il est donné à n’importe quel singe de pendre un chien en bout de laisse, qu’il est à la portée de n’importe quel bourrin d’éradiquer des symptômes en les interdisant par la douleur, en revanche, il est beaucoup plus compliqué d’analyser, de comprendre, et de traiter les causes, c’est pourtant à mon sens et définitivement la seule façon de faire.
Pour finir, parce qu’on lit tout et n’importe quoi sur le sujet, lorsqu’on évoque les méthodes douces, il n’est pas question d’être permissif, de tout autoriser, ni même de ne jamais punir, mais qu’est-ce qu’une punition ? Quelle façon de punir est tolérable ? Un chien a-t-il un sens moral ? Où se trouve la frontière entre la punition et le stimulus disruptif ? Autant de questions qui trouveront réponses dans un prochain billet… Si vous êtes sages bien entendu.
Rédigé par Raphael Pin
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