Enrichissement : comment stimuler et occuper son chien
Lorsque nous comparons la vie menée par les animaux sauvages à celle de nos animaux de compagnie, nous ne pouvons manquer la flagrante différence entre leurs niveaux d’activité. Chiens, chats, oiseaux, gerbilles ou lapins n’ont pas d’autre choix que de passer la journée à attendre que le temps passe. De l’autre côté des murs, leurs cousins sauvages se doivent de subvenir à leurs propres besoins, et passent la plus grande majorité de leur temps à rechercher de la nourriture (chasse, cueillette, accumulation dans des terriers…). Bien entendu, la vie est ardue pour eux, pimentée par la peur des prédateurs ou l’échec d’une capture, mais cette aptitude à la survie et ces capacités à résoudre des problèmes leur offrent des dépenses physiques, mentales (et sociales, lorsqu’ils évoluent à plusieurs) satisfaisantes. Il est important de se rappeler que c’est pour ce mode de vie que nos compagnons ont été forgés, et que la domestication n’a en rien altéré leurs besoins fondamentaux.
Un animal dont les besoins ne sont pas satisfaits pourra présenter plusieurs comportements anormaux, qui peuvent aller de la simple léthargie (apathie, sommeil amplifié) aux comportements stéréotypés (répétition de mouvements ne servant aucun but). C’est ainsi qu’on voit des chevaux “tiquer à l’ours” en balançant leur tête pendant des heures, des rats qui chassent leurs queues jusqu’à parfois les mordre et les sectionner, des lapins qui rongent les barreaux de leurs cages à s’en faire saigner les gencives, ou des perroquets qui s’arrachent méthodiquement les plumes jusqu’à finir nus…
Un jour dans la peau de mon chien
La journée typique d’un chien consiste à dormir entre huit et dix heures, en attendant le retour de son maître, puis patienter encore, qu’on puisse lui accorder un peu de temps entre la préparation du repas, les devoirs, les émissions de télé, les réseaux sociaux et nos mille autres préoccupations humaines.
Sur vingt-quatre heures, combien de temps accordons-nous à nos chiens pour les occuper et les distraire ? Un tour de quartier, quelques lancés de balle, de quoi satisfaire à peine leur besoin de bouger. Mais qu’en est-il de la part mentale ?
Elle reste souvent très négligée.
Certains chiens s’en accommodent – d’autres finissent par trouver leurs propres occupations. Aboyer après le moindre bruit, surveiller les oiseaux, mordre l’air, lécher ses coussinets, ronger ses griffes, commencer des fouilles archéologiques dans le mur, refaire une beauté aux meubles du salon, déchirer vêtements et papiers, faire un tour dans la poubelle, et bien d’autres idées originales qui ont sans doute traversé votre esprit si votre chien s’est un jour un peu “trop” ennuyé chez vous…
La solution : enrichir leur quotidien
Loin d’être une simple occupation contre l’ennui du chien, l’enrichissement de l’environnement offre de très nombreux bénéfices. En ajoutant des jouets, des stimulations et des challenges, nous permettons à nos chiens de s’occuper pendant nos absences, en évitant l’apparition de problèmes de comportement liés au manque de stimulations cognitives. En offrant un jouet fourré de friandises à des chiens, une étude à montré qu’on diminuait leurs aboiements tout en augmentant leur niveau d’activité (Schipper & al., 2008). Une solution à double usage contre la léthargie et les nuisances sonores !
L’enrichissement de l’environnement, qu’il constitue en l’ajout de jouets, d’odeurs ou d’opportunités d’apprentissage, ralentissent le déclin cognitif dû à l’âge. (Milgram & al., 2005).
Cerise sur le gâteau, les refuges ont remarqué que les chiens bénéficiant d’enrichissements dans leur lieu de détention (cage, enclos, chenil…) étaient plus souvent adoptés, car présentant une attitude ouverte sans surexcitation.
Rares sont les choix à faire qui n’offrent que des avantages… Voyons donc ensemble comment enrichir le quotidien de votre meilleur ami !
Les six types d’enrichissement
D’après le livre “Beyond squeaky toys”, l’enrichissement de l’environnement peut être abordé sous six différents angles. Ces derniers ne sont pas forcément liés aux sens, mais peuvent tout à fait servir de piste de réflexion !
Prenez note que chaque chien reste unique, et même une idée d’activité vous semblant fantastique pourrait le laisser indifférent. Selon son âge, sa race, sa taille ou bien sûr, son caractère, ses préférences seront très modulables. Les petits chiens préfèreront en général les jouets doux et déformables, ou les jeux dans des tunnels en tissu, alors que les plus grands chiens tendent à adorer les jouets durs qui sont difficile à détruire et sur lesquels ils peuvent exercer la pression de leur mâchoire.
Contrairement à ce qu’on aurait donc tendance à imaginer, tout ne se résume pas en jeux avec de la nourriture, une super nouvelle pour les propriétaires de chiens peu gourmands !
1. Enrichissement alimentaire
Débutons par le plus connu, l’enrichissement mettant en jeu la ration de notre meilleur ami à quatre pattes. Dans l’idéal, votre chien ne devrait jamais recevoir sa ration entière dans une gamelle : c’est en effet perdre beaucoup d’opportunités pour transformer une action de deux minutes en activité de plusieurs heures ! Que vous nourrissez votre chien à l’aide de croquettes, de nourriture humide, semi humide, en ration ménagère, B.A.R.F ou dérivés… Il y aura forcément des alternatives faciles à mettre en place, et qui permettront bien souvent à Médor de travailler son nez.
A défaut d’une gamelle
Pour les plus pressés, une gamelle anti-glouton évitera une absorption rapide, souvent additionnée d’un bon paquet d’air qui gonflera douloureusement l’estomac de votre petit protégé. Vous pouvez tout à fait verser les croquettes ou l’équivalent humide avant de servir tel quel, ou prévoir votre coup et faire congeler le contenu pendant quelques heures (si vous utilisez des croquettes, passez-les sous un petit filet d’eau avant de les mettre dans le freezer, afin de permettre une meilleure agglomération).
Avant de partir travailler, vous pouvez cacher une partie de sa ration sèche dans la maison. Inutile d’être soigneux, attrapez deux poignées, secouez le bras comme si vous balanciez du grain aux poules, et hop, c’est au tour de toutou ! Le tapis de fouille, ou “snuffle mat” se base sur le même principe dans un espace réduit : il s’agit d’un tapis composé de longues bandes de tissu, dans lesquelles on cache de la nourriture.
Le même principe s’applique pour les aliments humides, mais nécessite un jardin, c’est les “sprinkles” ! Il suffira d’étaler la patée dans l’herbe, en dispersant bien le contenu, et si possible, sans que toutou ne puisse surveiller vos allées et venues. Prenez de l’espace, ne faites pas des lignes bien propres, mais saupoudrez les brins de façon aléatoire : un peu par ici, beaucoup par là, et de l’autre côté, rien du tout… Après trente minutes de recherches intensives, votre toutou fou vous laissera une paix royale pour un très long moment.
Remplacez vos balles par des jouets d’enrichissement
Les jeux d’intelligence ont également la part principale dans l’enrichissement alimentaire, mais inutile de vous ruiner en achetant des produits préfabriqués hors de prix : non seulement ils deviendront inutiles lorsque votre chien aura maîtrisé la technique pour les vider (et pour certains, cela va très vite) mais en plus, l’intérêt retombera avec l’habitude.
Les idées les plus simples seront les meilleures, car vous pourrez moduler la difficulté à loisir. Regardez tout simplement votre intérieur, ou votre garage, et utilisez ce qui ne peut pas être cassé ou déchiré pour y cacher des friandises ! Le jeu d’enrichissement maison le moins cher et le plus connu est tout simplement un moule à muffin avec quelques balles de tennis. Posez le moule par terre, placez des croquettes dans les creux, placez les balles par dessus… Et voilà, à Médor de bouger les balles pour accéder au contenu ! Les variantes se limitent à votre imagination : ici, une boite en carton et des rouleaux de papier toilette, là une vieille marmite et des balles de tennis...Un contenant, quelque chose qui bloque l’accès au fond, et des croquettes : c’est tout ce qu’il vous faut !
Vous trouverez bien plus d’idées dans cet article : apprenez-lui à surmonter les défis.
2. Enrichissement social
Après le plus connu, passons au plus négligé, l’enrichissement social.
Dans votre entourage, vous connaissez surement des chiens qui ne voient jamais leurs congénères, et passent plusieurs mois sans contacts variés. Croiser un copain en laisse sur un trottoir ne peut être considéré comme une interaction à part entière, tout comme dix minutes de balade en laisse courte ne peuvent offrir au chien un réel exutoire pour ses besoins physiques.
L’enrichissement social peut être satisfait en une longue balade dans des lieux variés. Seul, ou idéalement avec des congénaires pour jouer, courir, nager, ou tout simplement renifler ou marcher de concert. Grâce aux réseaux sociaux, il est assez aisé de trouver des compagnons de balade – il vous suffit de trouver un groupe dont le titre ressemble à “balades canines” ou “cani-balades” suivi du nom ou du numéro de votre département. En quelques clics, vous pourrez offrir à votre cher toutou des balades riches, où il pourra parfaire ses capacités de communication.
3. Enrichissement environnemental
L’enrichissement environnemental vise à améliorer le cadre de vie de votre chien en lui offrant de nouvelles opportunités d’occupation. Comme chaque catégorie d’enrichissement, il existe des alternatives très simples, et d’autres un peu plus coûteuses : à vous d’être imaginatif !
Vous pouvez par exemple placer un tunnel en tissu dans le salon, qui permettra à Fido de se cacher ou de regrouper ses jouets à l’intérieur, et le changer régulièrement de place, afin de lui offrir la variété dont il a besoin. Un fort créé à l’aide de vieux draps fera également très bien l’affaire !
Pour les jardiniers ou archéologues en herbe, qui adorent creuser et détruire vos jolis rosiers, achetez une piscine pour enfant en plastique (à peine quelques euros dans une grande surface) et remplissez là de sable ! Félicitez votre chien lorsqu’il s’y intéresse, et très rapidement, son besoin de creuser sera satisfait en préservant votre jardin .Vous pouvez également remplir un bac en plastique de terre ou d’eau, et pourquoi pas de jouets ou de chutes de tissu, pour qu’il puisse fourrager dedans, voire même les déchirer avec bonheur ? Vous verrez très rapidement quelles alternatives intéressent votre chien, et lesquelles le laissent indifférent.
4. Enrichissement récréatif
Sous ce nom complexe un peu pompeux se cache un concept très simple : l’enrichissement par le jeu, ou plutôt à l’aide de jouets ! Ce sont des objets qui peuvent être manipulés et mettent en avant la gueule et les pattes. Saisir, lancer, mordre, pousser, tourner, rouler, déchirer… Autant d’opportunités et d’activités pour notre compagnon canin.
Selon leur âge, leurs préférences varieront : petit et pelucheux pour les chiots, avec des aspérités lorsque leurs dents poussent afin de masser leurs gencives, puis produisant du son, changeant de texture, rebondissant ou roulant… Que de choix !
Les jouets du commerce offrent une diversité incroyable, mais pensez toujours aux alternatives maison : bien souvent, permettre à Fifi de déchirer consciencieusement le journal, ou trouer un pantalon usé le satisfera bien plus qu’une jolie balle lumineuse et sonore.
Les jouets téléguidés peuvent ravir certains chiens, à condition de ne pas les laisser monter en excitation. Si la poursuite est autorisée, trois à cinq minutes de jeu pourront convenir, alors qu’une simple observation pourra durer bien plus longtemps.
Les “flirt poles” sont également d’excellents jouets, mais à utiliser avec parcimonie à cause de l’excitation qu’ils provoquent. Il s’agit d’une longue tige flexible, dont l’extrémité se termine par une ficelle et un jouet que le chien va pourchasser. Comme toute activité physique, ce jouet va construire sa résistance à l’effort : plus vous jouerez avec, plus votre chien prendra en endurance, et plus vous devrez jouer longtemps pour le fatiguer. Préférez donc des sessions très courtes et espacées dans la semaine, voire même dans le mois.
5. Enrichissement sensoriel
Comme son nom l’indique, l’enrichissement sensoriel sollicitera un ou plusieurs sens : ouïe, odorat, toucher, vision ou goût. Les idées d’enrichissement cités précédemment remplissent également ces critères : un jouet rempli de billes ou d’aluminium fera du bruit lorsqu’on le mâchonnera, un tapis de fouille stimulera l’odorat, le toucher et le goût… Les activités mettant en avant les capacités olfactives de votre chien sont à privilégier grandement, dans la mesure où il s’agit du sens “principal” de nos amis canidés, et c’est également la plus simple à mettre en place. Quelques objets, quelques croquettes, et c’est parti !
Odorat
Si vous avez précédemment laissé médor jouer avec un vieux vêtement, récupérez-le. Coupez-le en lamelles d’une dizaine de centimètres de longueur et d’une cinquantaine d’épaisseur, et mettez dans un petit coin une touche d’huile essentielle ou d’épices. Frottez un peu de menthe sur une lamelle, trempez un autre bout dans une infusion de cannelle ou de camomille… Une fois par semaine, offrez à votre chien une odeur différente à investiguer. Vous pouvez laisser le morceau de tissu dans la pièce où il dort, le cacher ou le suspendre pour le laisser trouver la source de cette nouveauté. Le plus important reste l’effet de nouveauté ! Ne laissez pas la même odeur longtemps au même endroit, n’en offrez pas plusieurs à la fois, et changez-les régulièrement.
Ouïe
La musique peut également être un facteur d’enrichissement sensoriel, sous quelques conditions. Tout comme les odeurs, elle doit être présentée une à deux fois par semaine maximum, et non en continu. Préférez la musique classique, qui fait baisser leurs niveaux de stress et réduisent leur anxiété, avec un volume bas et peu envahissant.
Vue
Tout comme les enfants, énormément de chiens adorent les bulles, pour les suivre du regard ou chercher à les atrapper. Un peu de produit vaisselle, un bol, vos doigts, et vous pouvez jouer sans un produit spécialisé…
A défaut, les carillons, éoliennes ou simples morceaux de tissu fixés en hauteur offriront une stimulation visuelle intéressante. Parfois, même regarder des animaux de ferme bouger suffira pour passionner votre chien. N’oubliez pas que la nouveauté reste un facteur capital dans l’enrichissement. Si votre chien passe sa vie à regarder des poules à travers les clôtures du jardin, leurs mouvements, cris et odeurs feront rapidement partie de son environnement… Et il n’en portera plus qu’un intérêt très limité.
6. Enrichissement cognitif
Votre chien a besoin de réfléchir, de trouver des solutions à des problèmes et de faire face à des challenges pour apprendre à les résoudre. Pour répondre à ses attentes, il n’existe rien de mieux que l’apprentissage d’un nouveau tour par le shaping ! Cette méthode lui permettra d’affuter ses capacités de réflexion, de le fatiguer mentalement et physiquement, et vous permettra de lui apprendre n’importe quel tour, même les plus complexes comme lever ses quatre pattes sur ordre ! Le livret gratuit “Guide du shaping, clic à clic” vous permettra de débuter du bon pied, n’hésitez pas à le télécharger.
Si vous aviez encore un doute, tous les tours de cette vidéo ont été réalisés grâce au shaping
Beaucoup d’enrichissements cités précédemment peuvent bien entendu solliciter les capacités de réflexion de votre chien. Il suffira d’y ajouter un peu de difficulté. Au lieu de donner à votre chien un kong fourré ou une balle trouée remplie de friandises, cachez-les dans des serviettes, puis dans des boîtes, et construisez ainsi plusieurs couches de difficulté successives.
L’article “apprenez-lui à surmonter les défis” liste également une quantité considérable d’idées, des plus simples aux plus complexes.
Le commerce offre son lot de jouets ludiques : les cube Buster (buster cubes), les “Tug-a-Jug” ou “Tricky Treat™ Ball”, les “balle QI” (IQ ball) et autres objets un peu plus complexes demandant patience et technique pour récupérer les friandises à l’intérieur. Les puzzles “Nina Ottosson” ou “Kyjen” sont également d’excellentes alternatives, mais risquent de perdre toute utilité lorsque votre chien aura compris comment les vider en moins d’une minute.
A ne pas oublier
Ne vous sentez pas submergés par toutes ces possibilités ! Piochez dans cet article quelques idées, et agrémentez-les à loisir. Inutile de vouloir tout essayer et d’utiliser toutes les catégories d’enrichissement ! Essayez-les un à un, en utilisant ce qui traîne chez vous, et vous verrez rapidement que de nouvelles idées vous viendront avec l’habitude. Le point principal à retenir reste le besoin de nouveauté et de challenge. Ne laissez pas le même enrichissement trop longtemps, et n’hésitez pas à corser la difficulté en fonction du niveau de votre chien.
Pour finir, n’hésitez pas à partager cet article s’il vous a plu ! Cet article est le fruit d’un long travail de recherche et sera toujours disponible gratuitement – votre intérêt me montrera que vous en voulez plus !
Pour aller plus loin :
Le groupe facebook français « Équilibre Canin – Enrichissement et stimulation mentale« et anglais « Canine enrichment«
Vidéo youtube « Enrichment for shelter dogs »
Kogan, L.R., Schoenfeld-Tacher, R., Simon, A.A., 2012. Behavioral effects of auditory stimulation on kenneled dogs. Journal of Veterinary Behavior 7, 268-275.
Milgram, NW et al., 2006. Neuroprotective effects of cognitive enrichment. Ageing Research Reviews. 5, 354-369.
Young, RK. Environmental enrichment for captive animals. 2003.
Rédigé par Corentine de Cynotopia
http://cynotopia.fr/enrichissement-stimuler-occuper