Ou pourquoi un chien peut exprimer une hypersexualité avec un taux de testostérone à 0 ?
Dans la même idée : pourquoi une chienne peut être lactante avec un taux de prolactine à 0 ?
Ou pourquoi un chien peut être hypothyroïdien avec une T4 et une T3 normales, mais un cortisol effondré ?
Comprendre l’effet des hormones est infiniment complexe. Je suis en pleine découverte de ces bizarreries. Et je partage avec vous quelques trouvailles.
Je reviens à la question : : « pourquoi un chien castré peut voir améliorer son hyperréactivité par un anti-testostérone ? »
Si les testicules ont été enlevés, peut-il encore produire de la testostérone ? Et si sa testostérone est à 0 dans l’analyse de sang, comment un anti-testostérone peut encore avoir un effet quelconque ?
Eh bien, c’est très simple.
Il y a de nombreux androgènes (hormones masculinisantes) : la testostérone, le DHEA (déhydroépiandrostérone), l’androstènedione, l’androstenediol, la DHT (dihydrotestostérone, ou androstanolone) et son métabolite l’androstanediol glucuronide, et d’autres encore.
Ces androgènes sont produits dans les testicules, mais aussi dans les surrénales, un peu dans le foie, la graisse…
Ces androgènes ont une affinité pour les récepteurs AR (androgen receptor) de la membrane cellulaires et de la membrane du noyau, et ont un effet épigénétique : ils modulent l’expression des gènes, qui vont coder pour des protéines. La plupart de l’action des hormones devrait être attribué aux milliers de protéines synthétisées.
Au niveau comportement, les androgènes sont des accélérateurs de l’excitation, de la proactivité sociale, de la sexualité (et comportements dérivés), et de la réactivité, de l’irritabilité, des changements d’humeur et des crises de colère (rage).
Donc, si on enlève les testicules, on enlève une source de production de testostérone, mais on n’enlève pas tous les androgènes. Mon hypothèse est que le corps, en manque de testostérone, va activer la production d’autres androgènes (et œstrogènes) pour essayer de fonctionner normalement (homéostasie) mais il y arrive difficilement parce que la balance des hormones est faussée. Par exemple, le chien va produire plus de DHT, trois fois plus active que la testostérone, mais toxique, et facilitant les alopécies androgéniques et les hyperplasies de la prostate et les comportements sexuels excessifs : marquage urinaire, chevauchement, agrippement, flehmen sur odeurs d’urine, reniflement du périnée (des humains), vol de chaussettes et lingerie (féminine), érections, masturbation, etc.
Et les médicaments bloqueurs de AR, appelés anti-testostérone, en fait antiandrogène, bloquent l’action épigénétique de tous les androgènes. Et donc ces médicaments antiandrogène réduisent la réactivité quand celle-ci est accélérée par les androgènes. C’est une façon élégante de tester la présence (et l’effet) des androgènes (même quand le dosage de testostérone est à zéro).
Dr Joël Dehasse – le 15 janvier 2022