Résultat : cette belle race est au cœur des abandons depuis plusieurs années maintenant, et il est nécessaire d’informer le plus grand public possible avant son adoption.
Tout d’abord, commençons par l’histoire de la race. Le Border Collie vient des Borders, une région entre le Royaume-Uni et l’Écosse. Il a été reconnu par les Britanniques en 1976. Arrivé en France en 1970, il n’a été reconnu par la FCI (Fédération Cynologique Internationale) qu’en 1985 sous le numéro 297.
Le Border Collie fait partie du groupe 1 de la classification : Les chiens de berger et de bouvier (sauf chiens de bouvier suisse), mais pour vous parler du groupe 1, il faut vous parler également des différents chiens de berger qu’il abrite.
Selon le travail D’Emmanuelle Franq en 2007 « les races européennes de chiens de berger », la classe 1 de chiens de berger regroupe 3 catégories. À ce jour elles ne sont pas prise en compte par la FCI, mais elles sont particulièrement importantes, car les critères comportementaux varient grandement dans ces sous classifications. Il y a :
– les chiens de défense du bétail (Patou, Kangal, Berger Yougoslave…)
– les chiens de conduite de troupeaux (le Border Collie, bouvier australien, kelpie…)
– et les chiens de protection de troupeaux (Beauceron, Berger Allemand, Malinois…), qui sont un parfait mélange des chiens de protection et des chiens de conduite.
Aujourd’hui la sous-catégorie qui nous intéresse, ce sont les chiens de conduite de troupeau, dont le Border Collie est le grand maître (désolé pour les autres races, on vous aime quand même !).
Le Border Collie est reproduit avant tout pour mener un troupeau
Un chien de conduite, c’est un chien rustique, dynamique, souple, avec une allure racée et une vitesse d’intervention inouïe.
Le Border Collie a donc été sélectionné des années durant pour conduire les troupeaux. En d’autres termes : accompagner les bêtes d’un point A à un point B, sous ordre de son maître. Il a été sélectionné pour courir après le mouvement, le conduire, le stopper, le diriger.
La sélection, c’est (en résumé) le fait de reproduire 2 individus qui ont les caractéristiques souhaitées. Dans le cas du Border Collie, une des premières sélections a été faite sur le fait de faire de la prédation.
Une séquence de prédation complète ressemble un peu à ça (chacune des séquences comportementales peuvent être faites, ou que quelques-unes, dans l’ordre, ou pas) :
• Orientation : fixation oculaire, guet, affut, pistage
• Approche lente
• Poursuite
• Traque et rabattage
• Garde au ferme
• Capture : saut de capture, morsure au cou, morsure aux membres
• Étourdissement et mise-à-mort : secouement d’étourdissement, morsures multiples
• Recouvrement (si le chien estime que sa proie est trop grosse pour être mangée tout de suite, il l’enterre)
• Rapport
• Éviscération
On appelle ces séquences, des patrons moteurs de prédation.
Pour le Border Collie, après avoir sélectionné le fait de prédater (donc de poursuivre, fixer…), les éleveurs ont décidé de retirer la phase de mise à mort et de morsures afin de ne pas blesser le bétail.
Ils ont ainsi fait reproduire uniquement les individus qui ne tuaient pas les bêtes. Les éleveurs ont ajouté dans la lignée, du « sang » (donc des individus) de Setter Gordon pour y amener les qualités d’un chien d’arrêt. D’où les postures magistrales du Border Collie si reconnaissable tapis près du sol, à fixer ses moutons.
c’est un chien de travail qui a besoin d’être stimulé.
Le Border Collie est le roi de l’interprétation des ordres, le roi de la collaboration avec son maître, et il est né, et sélectionné, pour passer sa journée à cavaler après des bêtes et être mise à l’épreuve par son gardien.
À ce jour encore, le Border Collie est la SEULE ET UNIQUE RACE devant encore être testée au travail au troupeau pour obtenir sa confirmation au LOF (Livre des Origines Françaises) sur les lignées de travail. Nous n’aborderons pas les lignées beauty qui sont … bref, passons avant de s’énerver.
Si je m’étale autant sur l’histoire du Border Collie, et sa sélection, c’est parce que de nos jours, cette sélection, et les besoins qu’elle engendre, ne sont pas respectées. Et il est important de prendre en compte cette histoire, pour adopter un chien de cette race.
Au sein de l’association, nous avons recueilli et rééduqué de nombreux Borders Collie. Mais le pire, c’est que nous recevons en moyenne une quinzaine de demandes par mois pour en accueillir de nouveaux, avant qu’ils soient envoyés à l’euthanasie pour « problème de comportement ». Et le plus déroutant, c’est qu’il s’agit inlassablement des mêmes motifs d’abandon : “A pincé un jogger / vélo / poussette / voiture / trottinette, ne sait pas se poser à la maison, vocalise, est trop excité…” et j’en passe.
Pourquoi adopter un chien sélectionné pour poursuivre le mouvement, et l’abandonner parce que justement il poursuit des trucs ? N’est-ce pas antinomique ?
Quand on adopte un Border Collie, on adopte son « hyperactivité ».
Un Border est hyper tout : il est hyper sociable, hyper actif, hyper collant, hyper rapide, hyper intelligent, hyper…. Tout. C’est un chien fait pour passer 10h par jour dehors à cavaler et travailler, soit recevoir des ordres, analyser des situations, y réagir, monter très haut en émotion, descendre très rapidement. Le Border Collie est le chien avec le plus ample panel d’émotions et de capacité du règne des chiens, à mon avis.
Forcément, quand on enferme ces bêtes d’une puissance physique et mentale hors-norme, en pavillon de banlieue, avec une sortie en laisse matin et soir, entrecoupé de 8h de travail, ça fait des dégâts magistraux.
Il est sélectionné, produit depuis des décennies, pour être un grand sportif. Prendre un Border Collie pour un chien de famille, c’est une ineptie, c’est dangereux, et ça mène à des drames familiaux ou l’animal termine soit en refuge, soit dans le congélateur d’un vétérinaire.
Le Border Collie est un chien très sensible. Son intelligence fait qu’il est en capacité d’absorber, digérer, les émotions humaines. C’est une éponge. Le laisser seul à lui-même sans combler ses besoins primaires, c’est l’envoyer en première classe vers la destination de la folie. Automutilation, TOC (rapport de balle constante, rapport de bout de bois, mouvement stéréotypé, tour sur lui-même…), réactivité congénères, réactivité humains, crainte, destruction… Les dégâts sont nombreux.
Il s’agit d’un chien de travail, un chien d’utilité. Sa vie est vouée à collaborer avec l’humain et être occupé.
Il est temps de se rendre compte que les jolies vidéos sur internet d’agility, et toutes disciplines canines avec un Border Collie, sont faites par des personnes qui sacrifient leur vie entière au bonheur de leur chien.
Elles ne vont pas juste une fois par semaine en club, en travaillant la semaine.
A contrario, on observe également le phénomène inverse, qui est tout aussi dangereux : des personnes qui en font trop avec leur Border, au point qu’il ne soit même plus en capacité de savoir s’arrêter, et on atterrit sur la même case de la folie.
Avoir un Border Collie, c’est un bon dosage de travail, d’apprentissage, et d’accompagnement dans son bien-être. Il suffit d’une goutte de trop pour perturber l’équilibre.
La rééducation de ces Borders trop stimulés, ou a contrario trop peu stimulés nous prend des mois, et laisse inévitablement des marques. Marques malheureusement souvent indélébiles malgré le travail.
A cause de nous, et de notre égoïsme magistral, nous adoptons des chiens parce que c’est quand même carrément cool de se balader avec un chien de travail ou de dire qu’on a un border. C’est une race qui épate. Mais à quel prix ?
Depuis des années maintenant, nous récupérons des chiens trop peu, ou trop stimulés. Et nous humains bien abrutis, on s’en bat paupières de la génétique, si croquette a besoin d’exprimer ses besoins primaires de chien de troupeau (comme poursuivre les bagnoles, les vélos, les joggeurs,….) bah il va se faire voir. Ce qui induira le fait de développer des troubles du comportement comme aboyer, développer de la réactivité, détruire, se lécher les pattes au point d’en faire des plaies, ne pas se poser, chouiner, stéréotyper,… et qu’on gérera de façon super intelligente comme d’hab, en les foutant sous prozac, ou mieux en les enfermant en cage pendant nos 8h d’absence « parce que ça les rassurent », après tout « ce n’est qu’un chien il à qu’à s’habituer ce connard merde…. »
Le Border Collie nécessite un investissement hors norme, qu’il vous rendra au centuple. C’est le chien le plus intelligent, le plus humble, le plus magistral de tous les chiens. Si vous investissez toute votre énergie, et tout votre temps à être accompagné par un professionnel afin d’apprendre tous les méandres de ce chien majestueux, vous vivrez la plus belle expérience de toute votre vie.
Le Border Collie est le chien d’une vie, un chien qui vous en fera baver, qui vous poussera dans tous vos retranchements. Mais au bout du chemin, vous rencontrerez votre meilleur ami, votre tout, votre hyper tout, pour toujours. C’est une expérience fabuleuse, magnifique, durant laquelle vous vous trouverez au bout du chemin.
Réfléchissez, adoptez responsable.
Sur le berger australien :
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