L’attachement
A la suite de mon précédent article traitant de l’indispensable attachement sécurisé à l’adoptant, certains ont soulevé, en MP ou sur certaines pages sur lesquelles il avait été partagé, la question de l’incapacité du chien à se détacher ensuite, et donc le risque de l’hyper-attachement : de leur point de vue, favoriser cet attachement sécurisé en répondant aux demandes du chiot amèneraient quasiment de façon incontournable à cette déviance. Pour eux, l’apprentissage de la frustration devrait commencer dès son arrivée par la mise en place immédiate de la solitude la nuit et la non réponse aux sollicitations de caresses et / ou câlins si elles sont répétées.
Or, en toute logique, il ne peut y avoir de détachement réussi sans attachement sécurisé préalable, pour une raison très simple : on ne se « détache » que de ce à quoi on est préalablement « attaché »…
Nous savons maintenant que c’est jusqu’à 16 semaines environ que le chiot est le plus réceptif et a une capacité d’apprentissage très importante : son cerveau est prêt à créer un maximum de connexions. C’est pendant cette phase essentielle que se créent les bases sur lesquelles il établira son seuil de tolérance et construira sa relation de futur adulte à son environnement physique et social. A ce moment, il va acquérir la capacité à maîtriser ses réactions, réguler ses comportements et ajuster ses réponses comportementales à chaque situation et à l’environnement dans lequel elle se présente. C’est un moment crucial pour lui permettre de faire le maximum d’expériences, sans perdre de temps, mais avec prudence et progressivement, en s’adaptant à la nature et aux capacités de chaque individu.
Ce chiot juste séparé de sa famille, parachuté dans un monde où il n’y a le plus souvent aucun autre congénère, mais seulement des géants d’une autre espèce qui parlent une langue qu’il ne maîtrise pas, doit d’abord s’assurer de sa sécurité et de sa survie. Pour se construire, il va devoir prioritairement recréer des liens sociaux et affectifs. L’humain doit devenir sa nouvelle base de sécurité et d’apaisement.
Il est encore un bébé, dont le cerveau est inapte à gérer une situation de stress, quelle qu’elle soit. Or, naturellement, toute nouvelle situation, toute nouvelle expérience, même si tout se passe bien, va générer un stress, qu’il va devoir progressivement parvenir à mieux maîtriser.
C’est ce que l’adoptant se doit de l’aider à apprendre, Cela suppose de lui proposer des expériences qu’il n’aura pas à « subir », parce qu’on lui évitera au maximum celles qui pourraient être négatives. On va favoriser sa capacité à aller vers l’environnement en faisant en sorte qu’il ne lui soit pas effrayant, mais agréable, que les êtres vivants qu’il rencontre, de toutes espèces, soient abordables et gentils. Il va ainsi pouvoir expérimenter et découvrir par lui-même, dans les meilleures conditions.
En lui garantissant ainsi un milieu équilibrant, on lui permettra d’apprendre à gérer ses émotions et à se prémunir des réactions extrêmes.
Corollairement,
– on va s’abstenir de le réprimander lorsqu’il fait une expérience qu’on ne juge pas souhaitable, pour ne pas courir le risque qu’il n’ose plus se lancer, par crainte de notre réaction : on va plutôt le rediriger vers autre chose
– on va l’accompagner en répondant présent à chaque fois qu’il aura besoin d’encouragement, de soutien, de réconfort
C’est cet attachement sécurisé et anxieux-évitant qui va permettre le détachement : la confiance en soi, la capacité à prendre des initiatives, à opérer des choix, l’amèneront à la prise d’autonomie, donc au détachement.
A l’inverse, c’est en le rendant trop dépendant de son humain – soit en présentant une attitude trop maternante, qui l’empêcherait de faire ses propres expériences, soit en en le contrôlant sans arrêt, chaque action ou comportement étant systématiquement « mis sous ordre » – qu’on risque de rendre impossible le détachement. C’est dans ces cas qu’on risque de déboucher sur une anxiété de séparation ou un hyper-attachement.
Rédigé par Sylvie Parlons Chien à retrouver sur :