Votre chien est-il résigné?
En psychologie, la mise au grand jour du concept d’impuissance acquise (ou apprise) est attribuée à Henri Laborit en France ou Martin Seligman aux États-Unis.
Leurs recherches démontrent qu’un individu (humain ou animal), placé de façon durable ou répétée dans un environnement ou dans une situation stressante, nuisible, sur lequel il n’exerce aucun contrôle, finit par tomber dans un état de détresse cliniquement semblable à la dépression.
Lors de leurs différents essais laboratoires (rats, humains, chiens), ils se rendent compte que l’individu comprend qu’il n’a aucun moyen de fuir ni lutter aux chocs électriques donnés (par exemple) et que toute action de fuite ou de rébellion est inefficace. L’individu finira donc par capituler et se résigner passivement à son sort soit subir les chocs sans rien dire, sans bouger.
Seligman en tire quelques conclusions : le traumatisme réduit la motivation à répondre, les expériences traumatiques interdiraient l’apprentissage de nouvelles réponses. Cet état serait un des facteurs de la dépression et/ ou de l’anxiété.
Cette résignation entraîne, selon Klüver (psychologue) et Bucy (neurochirurgien), des dommages physiques et psychologiques chez l’individu placé en état de détresse acquise tels que des troubles de la mémoire, une mobilité incessante ou même la disparition de la peur ou encore un manque de motivation, ainsi que des troubles physiques liés au stress. On parle même de lobectomie (disparition d’une partie du cerveau).
On le voit malheureusement beaucoup dans le monde du dressage de cheval par exemple où les animaux sont « cassés » ou « poussés à bout » par des entraîneurs ou autres chuchoteurs. Les chevaux deviennent alors presque des robots (manque de motivation, disparition des émotions), ne pouvant fuir et sont donc résignés à leur sort.
Le pire dans toute cette histoire, est que même si nous remettons l’individu dans une situation normale, par exemple dans un environnement ou il n’y a plus de chocs électriques, il reste tout aussi résigné. Un autre nom qui a été donné par les chercheurs Abramson, Metalsky et Alloy à l’état de détresse acquise est la « théorie du désespoir ».
Pourquoi parler de détresse acquise avec nos chiens ?
Traditionnellement, des dresseurs ou maitres-chiens utilisent des méthodes de dressage coercitives (basées sur la punition) pour obtenir ce qu’ils veulent de l’animal. Le chien, ne pouvant se soustraire à la punition devient alors passif et semble « calme » et « obéissant ». En fait, le chien est plongé dans un état d’impuissance apprise et comprend que ne rien faire est la seule option pour éviter la punition, l’intimidation, la peur ou le conflit. Les séances d’entraînement sont souvent longues et le chien, fatigué et évitant la punition, fini par se soustraire passivement à son sort.
Un exemple de dressage canin traditionnel : je veux que mon chien marche au pied. Je donne alors un coup sur la laisse chaque fois qu’il s’éloigne (ou choc électrique, ou collier étrangleur). Le chien n’apprend pas qu’il doit être au pied, il apprend que s’il bouge il aura mal et qu’il ne peut se soustraire à cette douleur.
Il se résigne, devient passif et chaque marche est alors un calvaire (impuissance acquise). Le pire, c’est que, souvent, les chiens élevés ainsi vont sembler heureux de partir en promenade à la vue de leur laisse ou collier. En fait ils sont stressés ; les comportements de stress ressemblent, malheureusement pour nos chiens, à des comportements de joie (sauts, surexcitation, halètements). Une connaissance nuancée du langage canin est alors importante pour en faire la différence.
Dresser son chien via la punition
L’impuissance acquise est donc un état passif (et dépressif) du chien due à des méthodes punitives dont il ne peut se soustraire. Celui-ci ne fait alors plus rien car il n’a aucun contrôle sur son environnement et s’y résout. En plus d’avoir une vie rangée par peur de mal faire, cela fait des chiens qui semblent calmes et patients … ils sont en fait résignés à cet état et le danger réside le jour où ils décident que c’en est assez.
« C’est assez » pour un chien qui n’a jamais pu vraiment s’exprimer se traduit souvent par une morsure (car aussi bien souvent les démonstrations de gênes tels que les grognements, ont été inhibés par l’entraînement coercitif).
Pourtant, les propriétaires diront : il ne dit jamais rien ou on ne l’a jamais vu venir ou encore il n’a montré aucun signe. En fait, il n’a jamais eu l’occasion ou a été mal lu. Les chiens imprévisibles n’ont tout simplement jamais été écoutés, et « construits » ainsi (à quelques exceptions près).
La résilience de nos chiens
Les chiens ont une capacité de résilience (vaincre des situations traumatiques) hors du commun. Il est en général, tout à fait possible, de rattraper une éducation punitive par le biais d’entraînement en méthodes positives en redonnant confiance au chien, en lui montrant qu’il a de nouveau le pouvoir de contrôler son environnement et s’exprimer, et en lui redonnant confiance en la gente humaine.
Une réhabilitation avec des protocoles spécifiques est de mise ainsi que l’aide d’un éducateur canin à jour dans ses connaissances pourra vous épauler tout au long du processus.
Le renforcement positif n’est pas égal à donner des bonbons à tout va, mais bien d’apprendre au chien à quoi faire dans telle ou telle situation, lui expliquer notre monde d’humain. Trouver des comportements alternatifs, entraîner le chien à reproduire de bons comportements, lui expliquer ce qu’on attend de lui via un réseau commun : la paye et le succès ! Ce sont les clés du renforcement positif (conditionnement classique ou opérant) bien utilisés.
Comment éviter la détresse acquise
- Permettre à votre chien de faire des choix
- L’éduquer avec des méthodes positives, sans douleur et sans stress
- Éviter les punitions et les menaces en éducation canine
- Respecter son consentement, qu’il ait le droit de dire « non » et reconnaître ces signaux
L’importance de bien choisir son éducateur canin
Le monde canin est submergé de dresseur, maitre-chien, éducateur, intervenant, comportementaliste ou tout autre titre prévalant dans l’éducation canine. Choisir habilement son professionnel vous permettra d’éviter les écueils de l’impuissance acquise et baser votre relation sur une compréhension du chien, une confiance mutuelle et des apprentissages en douceur selon vos besoins et ceux de votre compagnon poilu.
Rédigé par Coline Guérin, comportementaliste pour chiens
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