Dominance, donner un sens à l’absurde
• Dominance -Donner un sens à l’absurde
Nous nous sommes laissé emporter par le débat sur la dominance. Il n’y a qu’une seule chose plus absurde et plus futile que de s’acharner à démontrer que la dominance existe, c’est d’en faire autant pour prouver qu’elle n’existe pas.
Ci dessous, je vais me rendre coupable du premier de ces deux actes futiles.
Dans un langage parlé et quotidien « la dominance » signifie le « le pouvoir et l’influence sur les autres ». Elle implique la suprématie, la supériorité, l’ascendance, la prééminence, la maitrise, le pouvoir, l’autorité, la règle, l’ordre, le contrôle.
En réalité, ce mot englobe tant de significations et de connotations diverses qu’il devient difficile de pouvoir l’utiliser comme un terme scientifique précis dans un contexte comportemental scientifique.
De plus, les scientifiques qui l’utilisent (tout comme ceux qui le conspuent) n’ont jamais fait de véritable effort pour le définir avec précision, contribuant ainsi a la confusion actuelle et donc, a alimenter des discussions dénuées de sens, des querelles et des revendications inutiles.
Avec cet article, j’ai l’intention de remédier atout ceci, en démontrant en tout premier lieu que la dominance existe bel et bien et ensuite en démontrant qu’elle se réfère a une seule et même catégorie de comportements indépendamment de l’espèce prise en considération.
Je présenterai une définition précise et pragmatique de ce terme, définition vérifiable, compatible avec la théorie de l’évolution et nos connaissances biologiques.
En dernier, j’argumenterai que même s’il est véridique qu’une bonne relation (entendue comme stable et mutuellement profitable) avec notre chien ne peut pas être fondée sur de continuelles démonstrations de dominance/soumission de la part d’un même individu envers un autre même individu, ceci n’implique pas que la dominance n’existe pas chez les chiens (ou chez toute autre espèce).
Nier que la dominance existe chez le chien est devenu l’argument phare utilisé pour promouvoir l’idée qu’une bonne relation avec nos chiens ne peut se fonder sur cette notion de dominance.
Il est absurde d’avancer que la dominance n’existe pas alors que nous avons tant de mots différents a disposition pour expliquer ce qu’elle peut bien représenter.
Si elle n’existait vraiment pas, nous n’en aurions pas un seul. L’existence même de ce mot, implique que nous l’avons constatée quelque part autour de nous.
On pourrait évidemment objecter que nous l’avons certes observée mais que le terme
• 1) s’applique uniquement a des relations spécifiques entre humains ou qu’il
• 2) s’applique à des relations spécifiques entre humains et d’autres espèces animales.
La deuxième option semble plus convaincante dans la mesure où il est hautement improbable qu’une condition spécifique particulière puisse exister pour une seule et unique espèce.
Cela serait profondément contradictoire avec tout ce que nous savons de la corrélation de l’évolution des espèces.
Toutefois, il reste plausible d’affirmer qu’un terme ne peut s’appliquer à décrire le comportement d’une espèce spécifique.
Deux espèces ayant divergé a partir d’un ancêtre commun il y a des billions d’années ont évolué et ont développé des caractéristiques propres.
Elles différent ensuite aussi bien de leur ancêtre commun qu’elles différent l’une de l’autre.
De la même manière, les espèces étroitement liées et qui différent de leur ancêtre commun depuis quelques milliers d’années seulement, montreront des caractéristiques similaires ou identiques a cet ancêtre commun et entre elles.
Certaines espèces partagent de nombreuses similitudes au niveau du phénotype, génotype et/ou comportementales, d’autres moins et d’autres encore n’en partagent plus du tout.
Cela dépend en large partie de leur généalogie et de leur adaptation a l’environnement.
Les humains et les chimpanzés (Homo sapiens et Pantroglodytes) ont divergé de leur ancêtre commun il y environ six millions d’années : il est donc légitime de constater que leurs différences sont plus nombreuses que ne le sont celles constatées entre les loups et les chiens (Canis lupus lupus et Canis lupus familiaris) qui, eux, ont probablement divergé d’un ancêtre commun environ il y a 15 ou 20 mille ans (et, en aucun cas, il y a plus de 100 mille ans).
La comparaison de l’ADN de l’humain et du chimpanzé révèle de plus grandes différences que la comparaison entre l’ADN d’un loup et d’un chien (qui partagent un ADN presque identique hormis quelques mutations).
Les humains ne peuvent s’accoupler avec les chimpanzés; les loups et les chiens le peuvent et produisent des rejetons fertiles.
Les humains et les chimpanzés sont deux espèces complètement distinctes.
Les loups et les chiens sont deux sous espèces de la même espèce.
Sur la base de ces considérations, nous pouvons logiquement nous attendre à constater un grand nombre de similitudes entre le loup et le chien, aussi bien physiques que comportementales et accessibles à n’importe quel profane.
Ces mêmes similitudes a un niveau ou a un autre, rendent possible leur accouplement, la naissance de rejetons fertiles et la communication.
Personne ne remet en question le fait que les loups et les chiens ont en commun un très large répertoire de comportements de communication et à juste titre : de nombreuses observations ont confirme qu’ils communiquent parfaitement entre eux.
Leurs expressions faciales et leurs postures sont remarquablement similaires (exception faite pour certaines races de chiens), leurs différences minimes étant largement inferieures aux différences culturelles entre une population humaine et une autre géographiquement éloignées entre elles.
Si les loups et les chiens peuvent communiquer, il en découle que les fondements cruciaux de leurs langages respectifs doivent être les mêmes.
Ce qui signifie que, bien qu’ils aient évolue dans des environnements différents, ils ont garde l’ancrage de leurs caractéristiques génétiques.
Ceci peut s’expliquer de trois manières :
1) les génotypes communs ont une ou des fonctions vitales
2) leurs environnements respectifs n’étaient pas si différents après tout
3) l’évolution a besoin de plus de temps et de conditions plus sélectives (puisqu’elle opère sur les phénotypes) pour que les génotypes se différencient plus radicalement.
1) signifie que l’évolution a besoin de plus de temps pour produire une autre forme, un autre organisme différent mais viable
2) signifie que, même si les loups et les chiens (de compagnie) vivent dans des environnements complètement différents, ce phénomène est encore bien trop récent. C’est seulement depuis environ un siècle que nous avons commence a totalement humaniser les chiens. Avant ce changement, ils étaient des compagnons, des animaux domestiques mais jouissaient encore d’une grande liberté et les facteurs d’une sélection aboutie étaient encore ceux d’origine. Ils n’étaient pas encore des chiens de compagnie et l’élevage n’était pas encore totalement (ou presque totalement) contrôlé par une sélection opérée par l’humain.
3) signifie que nous pourrions un jour ou l’autre (dans un million d’années environ) aboutir a deux espèces complètement séparées, les loups et les chiens. A ce moment la, ils ne pourront plus se reproduire entre eux, produire des rejetons fertiles et afficheront donc des caractéristiques complètement différentes.
Ils changeront peut être alors de nom et pourraient devenir des Canis civicus (ndt : chien citoyen) ou Canis homonculus (ndt : librement traduit par moi en chien humanise). Néanmoins, nous n’en sommes pas encore la !
Certaines tendances actuelles affirment que le « comportement dominant » n’existe pas chez les chiens, ce qui pose de sérieux problèmes.
Il y a deux manières de défendre cette affirmation de pensée: une est de nier le « comportement dominant » sans autre forme de procès, ce qui est absurde si on se réfère à l’existence même de ce terme, au fait que nous savons tous ce qu’il signifie dans les grandes lignes et que nous pouvons tous l’utiliser dans une communication accessible.
On se doit d’admettre qu’il se réfère à une panoplie de comportements que nous avons observés bel et bien.
L’autre argumentation est d’affirmer que les loups et les chiens sont complètement différents et que, en conséquence, si nous pouvons utiliser ce terme pour expliquer le comportement du loup, nous ne pouvons pas l’utiliser pour expliquer le comportement du chien.
Si les deux individus en question étaient complètement différents, l’argumentation pourrait être considérée comme recevable mais ce n’est pas le cas, comme nous l’avons observe plus haut.
Au contraire, ils sont encore très proches et très semblables.
Une troisième voie est l’élaboration d’une théorie complètement nouvelle qui pourrait expliquer comment deux espèces aussi étroitement reliées comme le sont le loup et le chien (en réalité des sous espèces) peuvent avoir développé en si peu de temps (des milliers d’années) des caractéristiques si radicalement différentes sous certains aspects tout en restant si proches sous d’autres aspects.
Ceci nous amènerait à une révision massive de tout notre savoir biologique avec des implications qui dépasseraient largement la problématique des loups et des chiens et donc une théorie que je considère irréaliste.
Il me semble que l’analyse des concepts que nous utilisons et leur définition représente une approche plus attrayante.
Ceci permettrait a la fois une utilisation plus sensée de ces concepts quand appliques à l’une ou l’autre espèce, sans provoquer la révision globale de notre savoir scientifique.
Définir les comportements englobés par une définition appropriée du « comportement dominant » est très important car ceux ci sont cruciaux à la survie de l’individu, comme nous le verrons plus loin.
On ne peut accepter la négation de l’existence de faits inhérents a un terme spécifique tout simplement parce que celui ci est mal défini et mal utilise, sans même mentionner qu’il est considèré comme politiquement incorrect (ce qui signifie qu’il dessert nos buts immédiats).
Le comportement dominant existe, il est tout simplement mal défini (quand il a le simple bon gout de l’être d’ailleurs).
L’immense majorité des discussions tournant autour de ce thème sont sans intérêt ni finalité puisque les intervenants n’ont généralement pas une idée très claire sur ce que l’autre veut dire.
Toutefois, il serait dommage de jeter le bébé avec l’eau du bain ! Des lors, je suggère des définitions précises du comportement dominant ainsi que des termes nécessaires a la définition ce qu’il est, de ce qu’il n’est pas, comment il a évolué et comment il fonctionne.
Un comportement dominant est un comportement quantifiable exprimé par un individu et dont la fonction est de gagner ou de maintenir l’accès temporaire a une ressource spécifique dans un contexte spécifique, contre un opposant spécifique, sans que l’une ou l’autre partie ne subissent de dommage physique.
Si l’une ou l’autre partie subit, au contraire, un dommage physique, le comportement sera qualifie d’agressif et non de dominant.
Ses caractéristiques quantitatives varient de légèrement confiant a extrêmement assertif.
Un comportement dominant est circonstanciel, individuel et relie a une quelconque ressource. Un individu exprimant un comportement dominant dans une situation spécifique ne l’exprimera pas nécessairement vis-à-vis d’un autre individu ou vis-à-vis du même individu dans une situation différente. Les ressources sont ce qui est perçu par l’organisme comme vital, ex la nourriture, le partenaire sexuel ou un territoire défini.
La perception de ce qu’est une ressource est conditionnée à l’espèce dont on parle et à l’individu dont on parle. L’agressivité (le comportement agressif) est un comportement voué à l’élimination de la compétition alors que la dominance, ou l’agression sociale, est un comportement dirigé à l’élimination de la compétition venant d’un individu connu (compagnon).
Par individu connu on entend deux ou plus animaux qui vivent ensemble et dépendent l’un de l’autre (ou les uns des autres) pour leur survie.
Par individus inconnus (aliens), on entend deux ou plus animaux qui ne vivent pas ensemble et ne dépendent pas l’un de l’autre (ou les uns des autres) pour leur survie.
Le comportement dominant est particulièrement important pour les animaux sociaux qui doivent cohabiter et collaborer dans un but de survie et il définit donc une stratégie sociale dont la fonction est de gérer la compétition entre individus connus avec le moins de dégâts possibles.
Les animaux expriment leur comportement dominant par le biais de différents signaux, visuels, auditifs, olfactifs et/ou tactiles.
• La peur (comportement de crainte) est un comportement qui a pour but l’élimination de la menace sociale émise par un individu connu (ex: la perte temporaire à l’accès à une ressource) sans encourir de dommage physique.
Une menace est tout ce qui peut infliger une douleur ou une blessure ou peut diminuer les chances de survie d’un individu.
Une menace sociale est tout ce qui peut provoquer la perte temporaire d’une ressource et peut causer l’apparition d’un comportement de soumission ou de fuite, sans que l’individu soumis n’ait à encourir de dommage physique.
Les animaux expriment un comportement de soumission à travers plusieurs signaux, visuels, auditifs, olfactifs et/ou tactiles.
Des comportements dominants ou de soumission persistants et exprimés de façon persistante par le même ou les mêmes individus peuvent résulter ou non dans l’apparition d’une hiérarchie temporaire dont la configuration dépendra de l’espèce, de son organisation sociale et des circonstances environnementales.
Dans les groupes établis confinés sur un territoire délimité, les hiérarchies temporaires se développeront plus rapidement.
Dans les groupes non établis, dont les conditions environnementales sont changeantes, sur des territoires non définis ou établis, les hiérarchies ne se développeront pas.
Les hiérarchies ou plus précisément les stratégies afférentes, sont des ESS (Stratégies d’Evolution Stable), toujours légèrement irrégulières autour d’une valeur optimale influencée par le nombre d’individus au sein d’un groupe et les stratégies individuelles que chacun adopte dans une situation donnée.
Les hiérarchies ne sont pas nécessairement linéaires, même si, au sein des petits groupes et au fil du temps, les hiérarchies non linéaires semblent avoir une tendance à évoluer progressivement en hiérarchies de plus en plus linéaires.
Certains individus auront une plus forte tendance à exprimer un comportement dominant et d’autres un comportement de soumission.
Ceci est à la fois déterminé par leur génétique, leurs apprentissages précoces, leurs expériences, etc.
Il n’existe pas de facteur déterminant unique mais plutôt la somme complexe d’un certain nombre de différents facteurs déterminants.
Appelons ceci une tendance naturelle, non sans affirmer que celle-ci est modifiable en tout temps.
C’est un fait reconnu que certains individus sont plus assertifs que d’autres, alors que d’autres sont plus malléables, ceci étant encore une fois détermine par plusieurs facteurs.
Il ne s’agit pas non plus de définir ce qui est bien ou mal dans une optique de « morale » mais plutôt de définir ce qui est le plus efficace dans un contexte donné.
Dans une rencontre « chien-chien », sans facteurs externes déterminants, les individus afficheront une tendance naturelle à adopter la stratégie qui est la leur de façon générale et qui leur ressemble le plus, confirmant ainsi leur historique de plutôt dominant ou plutôt soumis.
Au sein d’un plus grand groupe d’individus, ils feront preuve de la même tendance à assumer le rôle qui est naturellement le leur.
• Cela étant, ceci peut se modifier si la structure du groupe se modifie.
Imaginez un groupe au sein duquel on trouve un grand nombre d’individus ayant tendance à adopter un comportement de soumission et avec peu d’individus présentant la tendance opposée.
Dans un tel scenario, un individu naturellement dote d’un comportement de soumission aurait l’opportunité de gagner l’accès aux ressources en produisant un comportement plus dominant qui serait couronné de succès.
Le succes entrainant la répétition du comportement, certains individus plutôt prônes a la soumission vont progressivement se retrouver a devenir plus dominants.
Si le scenario offre la possibilité a un individu de modifier sa strategie habituelle et favorite, d’autres auront cette même possibilité.
Le nombre d’individus dominants va donc augmenter.
Toutefois, le nombre d’individus dominants qu’un quelconque groupe peut tolérer n’est pas illimité puisque, à un certain moment, il deviendra plus payant d’adopter une stratégie de soumission, selon les bénéfices et les couts occasionnés.
Des lors, le nombre d’individus dominants ou soumis au sein d’un groupe dépend non seulement des tendances naturelles inhérentes a l’individu mais également a la composition et a la structure du groupe même.
Adopter le rôle de dominant ou de soumis est conditionne par les des avantages et avantages découlant du nombre des individus qui auront adopte l’une ou l’autre stratégie.
Comprendre la relation entre un comportement dominant et un comportement de soumission en tant qu’ESS, ouvre d’intéressantes perspectives qui pourraient nous aider à expliquer le comportement adopté par un individu spécifique dans un contexte spécifique.
Un individu soumis peut apprendre à jouer ce rôle de soumission face a certains individus plus dominants que lui et adopter un comportement dominant quand il est confronte a d’autres plus soumis.
Tout dépend de la relation à l’autre et, évidemment, de la valeur du bénéfice potentiel et des couts occasionnés.
En corollaire, les hiérarchies (quand elles existent) seront toujours légèrement instables en conséquence des stratégies adoptées par les individus qui forment le groupe.
Les hiérarchies ne sont pas nécessairement linéaires et le seront uniquement dans les petits groupes de peu d’individus ou dans des sous]groupes.
L’opinion de l’auteur (Roger Abrantes) est que l’erreur que nous avons commise est de considérer la dominance et la soumission comme des conditions statiques.
Nous n’avons pas pris conscience que ces caractéristiques, tout comme les phénotypes et d’autres particularités, sont constamment sous la pression de la sélection naturelle.
Elles sont donc adaptatives, hautement variables et éminemment quantitatives et quantifiables. En tant que telles, la dominance et la soumission sont des traits dynamiques et régis par différentes variables ; ce qui représente une perspective compatible a la fois avec le développement du comportement a un niveau individuel, avec les fonctions génétiques, l’influence des apprentissages et, surtout, compatible avec la théorie de l’évolution.
• La dominance et la soumission sont de magnifiques mécanismes d’un point de vue de l’évolution. Des mécanismes qui permettent aux animaux (sociaux) de vivre ensemble, de survivre jusqu’au moment de la reproduction et donc de passer leurs gènes (dominants ou soumis) à la génération suivante.
Sans ces mécanismes, nous n’aurions pas d’animaux sociaux tels que l’humain, les chimpanzés, les loups et les chiens parmi tant d’autres.
Si un animal devait résoudre tous les conflits au sein du groupe avec des comportements d’agression ou de peur, il finirait par s’épuiser et ne plus pouvoir s’investir dans les lourdes taches que sont la recherche de nourriture, la recherche du partenaire sexuel, d’un endroit sur pour se reposer ou pour prendre soin de sa progéniture (donc autant de chances perdues d’assurer sa propre survie et le passage de ses gènes).
Ainsi se sont formées les stratégies adoptées face aux individus connus et inconnus : on ne peut pas se battre contre tout le monde tout le temps, dès lors un individu connu est affronté par le biais d’une stratégie économisant l’énergie vitale.
Les comportements de soumission ou dominants contrôlent et régissent également la densité de la population, puisqu’ils se fondent sur la reconnaissance individuelle.
Le nombre d’individus reconnus par l’animal à toujours une limite.
Si ce nombre excède cette limite, cela rend la reconnaissance de l’autre inefficace, rendant la stratégie individu connu/inconnu inopérante et remettant donc en scène les comportements agressifs/craintifs.
La stratégie de soumission est une sage stratégie. Au lieu de s’engager dans un combat inégal et donc dangereux, attendre peut se révéler beaucoup plus payant.
L’utilisation de comportements apaisants et de soumission de la part de chien subordonnes peut court-circuiter des animaux dominants et donc ouvrir l’accès a des ressources vitales.
En adoptant des comportements de soumission, ils obtiennent également des avantages qui leur viennent du groupe notamment la défense contre de potentiels rivaux. Les hiérarchies fonctionnent parce qu’un subordonné optera souvent pour un déplacement, exhibant un comportement apaisant typique, sans signe évident de peur.
En conséquence, l’animal dominant peut parfaitement se contenter de ce déplacement s’il souhaite se nourrir ou accéder à une autre ressource.
Les hiérarchies dans la nature sont souvent très subtiles et donc difficiles a observer et reconnaitre.
Cette difficulté est directement reliée a ces comportements de dominance-soumission : en effet, l’animal soumis va avoir tendance a éviter les rencontres avec l’individu dominant, tout comme ce dernier n’a pas d’intérêt à provoquer des brouilles inutiles.
L’agression implique une part évidente de risque et peut évidemment mener a des dommages physiques, voir a la mort.
L’évolution montre donc une tendance vers la mise en place et le développement de mécanismes qui diminuent l’intensité du comportement agressif.
La plupart des espèces ont à leur actif des signaux clairs qui expriment sans équivoque possible l’acceptation de la défaite et qui ont le pouvoir de faire cesser le combat avant le dommage physique.
Savoir reconnaitre ces signes-stimuli est la première tache du « petit » immédiatement après la naissance. Ils peuvent lui sauver la vie.
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• Le compromis est la leçon la plus importante que puisse recevoir un jeune après avoir appris à reconnaitre ces signes-stimuli salvateurs : il préserve la viabilité et la dynamique de la vie sociale du groupe.
La sélection naturelle l’a prouve en favorisant les individus capables de développer un comportement qui rend la vie communautaire possible.
D’autres animaux, les prédateurs solitaires, n’ont pas besoin de ces compétences sociales. Ces organismes on trouve d’autres stratégies pour assurer leur alimentation et leur reproduction.
L’apprentissage de la socialité implique l’apprentissage du compromis. Les animaux sociaux passent énormément de temps ensemble et les conflits sont inévitables.
Il est dans leur cas judicieux de développer des mécanismes à travers lesquels ils peuvent gérer les hostilités.
La limitation des comportements agressifs et de peur à travers l’inhibition et la ritualisation n’est que partiellement efficace. Plus l’animal est social, plus il lui devient indispensable d’avoir ces mécanismes a disposition.
Une agression inhibée reste une agression ; cela équivaut a jouer avec le feu par une journée de grand vent. Cela fonctionne pour des animaux moins sociaux ou moins agressifs mais, pour des animaux très sociaux et très agressifs, d’autres mécanismes deviennent nécessaires.
Sur le long terme, il serait en définitive trop dangereux et totalement épuisant de devoir constamment recourir à l’agression et à la peur pour solutionner des problèmes banals. Les animaux montrent des signes de stress pathologique quand ils sont soumis a une menace constante sur la durée ou qu’ils se voient obliges de constamment agresser l’autre.
Ceci nous suggère que les prédateurs sociaux nécessitent des mécanismes autres que l’agression et la peur pour solutionner les animosités sociales. Je suggère que les animaux sociaux développent, à travers l’ontogénie de l’agression et de la peur, deux autres comportements sociaux au moins également importants.
Si la signification de l’agression est « vas-t-en, crève, ne me dérange plus », la signification de l’agression sociale serait « va-t-en mais pas trop loin et pas pour trop longtemps ».
De la même façon, la peur sociale exprime « je ne t’embête pas si tu ne me fais pas de mal » alors que la peur existentielle ne souffre d’aucun compromis, c’est clairement « ce sera toi ou moi ».
La différence significative entre ces deux types de comportements d’agression semble être sa fonction.
L’agression gère les individus inconnus (aliens) et l’agression sociale est réservée aux individus connus (compagnons).
Inversement, la peur et la peur sociale s’appliquent aussi bien aux individus connus et inconnus (aliens et Compagnons). Ces distinctions qualitatives ont justifié la création d’une autre terminologie, d’où la dominance et la soumission.
Qu’est-ce que cela implique pour nous, au niveau de notre compréhension et nos relations avec nos chiens ? Cela signifie que nous exhibons tous des comportements dominants (confiance en soi, assertivité, fermeté, autorité) ainsi que des comportements de soumission (insécurité, acceptation, consentement, docilité, complaisance) déterminés par différents facteurs, par ex notre état d’esprit, notre position sociale, nos ressources, notre état de sante, notre antagoniste humain ou chien (ou loup évidemment).
Cela n’a rien de répréhensible d’ailleurs, si ce n’est quand nous exprimons un comportement dominant la ou un comportement de soumission serait plus efficace ou vice versa.
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• Parfois nous pouvons nous montrer plus dominant ou plus soumis et d’autres moins.
Ce sont des comportements tout à fait quantifiables et qui comprennent de nombreuses variables. Il n’y a pas une seule et unique bonne stratégie. Cela dépend de la flexibilité et de la stratégie adoptée par les autres.
Il va sans dire que nous ne construirons pas de relation stable et durable sur le long terme en affichant des comportements dominants ou de soumission.
Ces comportements sont nécessaires à la solution des conflits sociaux inévitables.
Nous construisons des relations sur la nécessité d’une collaboration. Nous, tout comme les chiens (et comme les loups évidemment) afin de résoudre des problèmes communs inhérents a notre survie et nous assurant, de préférence, un degré de confort acceptable.
Nous ne construisons pas nos relations sur des hiérarchies mais celles-ci existent malgré tout et elles ont un rôle important à jouer dans certaines circonstances – pour les humains comme pour les chiens (et les loups évidemment) – parfois un grand rôle, parfois un moins grand et parfois elles n’en jouent aucun.
Nous construisons nos (bonnes) relations avec nos chiens sur le partenariat. Nous avons besoin d’eux car ils nous offrent un sentiment d’accomplissement que nous ne semblons pas trouver ailleurs. Ils ont besoin de nous parce que le monde est surpeuplé, les ressources limitées et qu’un propriétaire apporte nourriture, protection, soins, un endroit sur et de la compagnie (ce sont des animaux sociaux).
Trop dur d’être un petit chien tout seul là dehors dans le vaste monde !
Parfois, dans cette relation, une des parties recourt a un comportement dominant ou de soumission et il n’y a aucun mal a cela du moment ou, tous les deux, ne font pas preuve du même comportement en même temps. Si tous les deux exhibent un comportement dominant ou de soumission, ils sont face à un problème : soit ils rentrent en conflit, qui sera résolu dans le plus grand nombre des cas sans dommage physique (la beauté de la dominance et de la soumission), soit l’un des deux devra trouver une solution pour tous les deux.
Une bonne relation avec nos chiens n’implique pas des mécanismes mystérieux particuliers. Elle est régie par les mêmes mécanismes que toute bonne relation, en considérant les caractéristiques spécifiques de l’espèce et de l’individu concerne.
Nous n’avons pas besoin d’une nouvelle terminologie.
Nous n’avons pas non plus besoin de nouvelles théories pour l’expliquer.
Après tout, nous ne sommes pas si spéciaux pas plus que ne le sont nos chiens.
Nous sommes tous construits avec les mêmes ingrédients de base.
Tout ce dont nous avons besoin ce sont des définitions claires et une approche moins émotionnelle et plus rationnelle.
Utilisez votre cœur afin de profiter de votre chien (et de votre vie) et vos propres raisons pour l’expliquer (si vous en ressentez le besoin), pas le contraire. Si vous n’aimez pas mes définitions, forgez-en des meilleures (avec plus d’avantages et moins de désavantages pour vous) mais ne perdez pas votre temps (et celui des autres) a vous perdre dans des discussions insignifiantes et des réactions instinctives et infondées. La vie est précieuse et chaque moment perdu est un morceau en moins d’un gâteau exquis dont vous vous serez privé sans même vous en rendre compte.
C’est ainsi que je le vois et tout ca me semble magnifique – prenez plaisir a manger votre gâteau !
Rédigé par le professeur Roger Abrantes