« motive-le »….oui, mais

…..méééé motive-le !!!

S’il y a une leçon que mes chiens m’auront bien appris au fil du temps (et de mes multiples erreurs), c’est la contre productivité absolue de la supplique « travaille avec moi ».

Pendant des années j’ai trimbalé avec moi un chien qui souffrait considérablement de «travailler » en présence de chiens et de personnes inconnues et j’ai plongé, tête baissée, dans les conseils amicaux du «….. motive-le!! » (sors le jouet  précieux, la friandise hors du commun, transforme-toi en majorette sautillante et glapissante, cours, enfuis-toi, vocalise, etc.) – tout ça, sous l’œil perplexe, voir tout à fait inquiet de ton chien.

 

Je me rappelle également très bien de la première fois où un formateur, pas forcément très amical avec les chiens d’ailleurs, m’a dit « je ne supplie pas mes chiens de bosser avec moi». Non, pas qu’il ait été dans une démarche de respect émotionnel à vrai dire, plutôt dans une démarche égocentrique, mais ses mots m’ont fait prendre conscience que c’était, précisément, ce que je faisais moi-même : je suppliais mon chien de bien vouloir interagir avec moi dans certains contextes – alors même que tout, dans son langage non verbal, m’indiquait que ça n’allait pas être possible (là, maintenant, aujourd’hui, dans ce contexte ou ce que tu me demandes, non merci, vraiment pas – et j’ai mes raisons que tu ferais bien de considérer).

Puisque j’étais résolument axée positif (pensais-je), je sortais mes friandises de la mort (avec plus ou moins de succès), je tablais sur notre relation (si, si, tu as envie d’interagir avec moi sinon je pars) mais, dans tous les cas de figure, j’étais là pour imposer ma volonté et ignorer la sienne (en toute prétendue « amitié »).

Si on transpose toute la séquence à un analyse du style « antécédent – comportement-conséquence – prévision » – ça donnerait à peu près ce qui suit (pour rappel : l’antécédent est ce qui précède le comportement et la conséquence ce qui arrive après – la prévision est ce qui est susceptible d’arriver à l’avenir). La fonction du comportement est sa finalité : tout comportement sert une finalité. 

  • Antécédent : je demande au chien d’effectuer quelque chose dans un contexte précis
  • Comportement : il se met à renifler le sol ou s’éloigne (ou tout autre comportement d’évitement)
  • Conséquence : il échappe à la chose que je lui demande de faire
  • (Fonction du comportement : échapper à ma demande)
  • Prévision : (à voir selon notre réponse à ce comportement)

(Panique à bord : ce chien on l’a pris pour faire cette activité qui nous plaît tellement donc ça ne va pas être possible. Là intervient le coach « motive-le »).

La séquence peut donc devenir :

  • Antécédent : « je supplie »  (jouet, relation, hyper friandise)
  • Comportement : le chien consent à interagir avec moi
  • Conséquence : il est renforcé plus qu’en temps normal
  • Prévision : il va falloir supplier de plus en plus souvent car cet antécédent là est devenu le signal d’un renforcement majeur

Ou alors :

  • Antécédent : « je supplie »
  • Comportement : le chien refuse malgré tout
  • Conséquence : il échappe à l’interaction (comportement renforcé)
  • Antécédent 2 : supplique de plus en plus énergique (syndrome de la majorette hystérique)
  • Conséquence 2 : le chien interagit avec vous
  • Prévision : vous devrez passer systématiquement à la vitesse supérieure pour obtenir une réponse appropriée

Votre énergie à « motiver » dégénère souvent et rapidement dans une certaine irritation ou irritation certaine : qui, elle-même, devient un nouvel antécédent inquiétant : « supplique = irritation = stress du chien ». 

Dans tous les cas, vous venez de vous créer un problème.

En gros, nous sommes en face de deux volontés opposées qui s’affrontent : je veux que tu fasses / je ne veux pas faire. Et même (voir surtout) si nous sortons la friandises du siècle – car nous travaillons en « positif » (sinon vous ne seriez pas en train de lire cet article), il n’est au fond pas question de donner le choix au chien, ce qui n’a pas grand chose d’amical et positif, ni de bienveillant en définitive.

Alors on fait quoi ? On laisse tomber ?

 

Outre au fait que tout renforcement est circonstanciel et subjectif et qu’il convient toujours de se poser la question de comment se porte le chien (j’adore les sushis : la semaine dernière, j’ai été malade à en mourir post repas de sushis à gogo – le lendemain — voir les jours suivants — vous ne m’auriez pas fait avaler un sushi même pas en vous roulant par terre) la vraie question est une autre, à savoir que se passe-t-il dans l’environnement qui fait que mon chien n’a plus envie d’interagir ? (sans occulter que nous faisons partie de l’environnement en question, bien évidemment).

Le renforcement ne doit pas se positionner comme conséquence d’un comportement de refus (et je parle bien d’un quelconque renforçateur, qu’il se présente sous forme de lardon ou de joyeuse interaction) – il doit le précéder : nous devons faire entrevoir au chien, à travers une succession de demandes facilement accessibles, à travers un environnement approprié que le renforçateur est de taille (quel qu’il soit : jouet, interaction joyeuse ou friandise, peu importe et, surtout, important ce qui a de la valeur pour ce chien là, à ce moment là). 

Souvent, en cours d’éducation – on voit clairement un chien dépassé par les demandes de son propriétaire mais l’éducateur responsable – au lieu de baisser le critère (en langage clair : plutôt que de rendre le succès accessible à ce chien là, ce jour là), pris par un souci de « performance » (parce que, si le chien apprend, le propriétaire est content et si le propriétaire est content, il revient) – suggère, dès que la difficulté s’installe, une dynamique de « supplique » (que beaucoup appellent « motiver le chien »). 

motivation2

Avoir des critères plus modestes afin de ne pas se trouver nez à nez avec le refus, permet au chien d’entrevoir ce monde merveilleux de la collaboration avec vous. La « motivation » se construit, elle est la conséquence de ses choix personnels qui sont systématiquement favorables et payants.   

L’autre jour, je suis tombée sur l’annonce d’une compétition « amicale » (donc destinée, a priori, aux très débutants) où on annonçait un « parcours entièrement clôturé, pour les chiens qui quittent encore le terrain » : heureuse clôture mise à part, j’en serais plutôt non seulement à me demander pourquoi ils quittent le terrain mais, surtout et avant tout, que font-ils donc sur un terrain qu’ils ne rêvent que de quitter ?

Il y a là un problème qu’on choisit tout simplement de ne pas résoudre.

Je conclus avec une phrase d’Alexandra Kurland : « ce n’est pas parce qu’on travaille avec des friandises que l’animal vit obligatoirement une expérience positive ». 

Rédigé par Cynthia Edelman-Rota de The Magic Clicker

http://www.magicclicker.ch/motive-le-oui-mais/

 

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Dogspirit Education Canine Comportementaliste 06.23.62.50.40 Montpellier et environs Tatjana Cerabona - Educateur canin, spécialiste de la relation Homme-Chien

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