« Youki, reviens »…. le rappel

Merci à Cynthia Edelman-Rota de The MagicClicker pour cet article très juste, sans un mot superflu  😉

A la demande de quelques uns de mes stagiaires de parler du rappel, je me suis dit qu’on allait en faire un article, question d’en faire profiter les stagiaires eux-mêmes et mes gentils lecteurs et clients qui n’ont pas fait de stage…

Un petit préambule qui s’expliquera au fil de la lecture : on va se pencher sur ce qui, en théorie de l’apprentissage, s’appelle en anglais la « learned irrelevance ».

Le mot « irrelevance » en anglais signifie « non pertinence » (j’ai pas mieux en français) et «learned » signifie en français « apprise» ou acquise.

On va donc opter pour « non pertinence acquise ».

irrelevance

En gros, on apprend qu’un quelconque événement dans l’environnement (stimulus pour les geeks du comportement) n’a pas de signification particulière pour le sujet (le « coui-coui-coui » des oiseaux, vous l’entendez clairement mais vous ne l’écoutez pas, ça fait partie de l’environnement mais n’a aucun impact spécifique pour vous… à moins d’être un chat affamé évidemment). Comme il ne comporte pas de conséquence particulière (ni fâcheuse ni agréable), on apprend à l’ignorer, tout simplement.

Quand les signaux tombent, un à un, dans cette « non pertinence acquise » – le chien apprend surtout et avant tout à ne pas vous écouter  :-?

 

C’est un phénomène qui guette TOUS nos signaux (ou « ordres » si vous préférez, moi pas vraiment) quand on ne les « chouchoute » pas ☺

  • Quand le signal est introduit trop tôt (le chien ne peut pas apprendre en même temps le comportement et le signal verbal rattaché à celui-ci, enseignez le comportement et, ensuite, introduisez le signal). Si je vous hurle une information en japonais (à moins d’être japonais évidemment), vous ne la comprendrez pas mieux que si je vous la susurre, par contre, je vous stresserai sans aucun doute par mes hurlements incompréhensibles  :-(
  • Quand le signal est donné n’importe comment sans la moindre cohérence (on demande « assis », le chien se couche, on renforce parce que « ça va aussi » ou on rappelle le chien parce qu’on croit que c’est nécessaire, il ne revient pas, on s’aperçoit que, finalement, c’était pas nécessaire et on laisse courir). Quand vous prononcez un quelconque signal celui-ci doit être compris et avoir été travaillé solidement, sinon, renoncez à le prononcer (pourquoi demander quelque chose qui ne signifie rien pour votre chien franchement?).
  • Quand on donne un signal qui n’a pas passé par les cases renforcement+++, généralisation, flexibilité — c’est à dire qu’on inonde le chien de mots qui n’ont aucun sens pour lui – c’est à peu près le meilleur moyen de lui apprendre à ne plus vous écouter du tout (si rien de ce que vous dites n’est pertinent, votre chien apprend à ignorer votre « verbiage »).
  • Quand on donne un signal alors qu’on a à peu près 0 chances de succès (rappeler un jeune chien dont l’apprentissage est encore en cours alors qu’il est complètement pris par son environnement riche en distractions).
  • Quand on répète un signal encore et encore (le célèbre « assis-assis-assis-assis-assis» des terrains d’entraînement qui, quand il est suivi d’un coup de laisse sur le collier, finit par devenir un signal empoisonné car potentiellement porteur de punition)

Quand un chien ne répond pas à un signal par le comportement attendu, les premières questions à se poser sont :

  • Est-ce que ce signal est rattaché à un apprentissage abouti, terminé, flexible, généralisé ? En clair, est-ce que le fruit de mon travail est assez solide pour que je l’utilise en ce moment (dans ce contexte, cet environnement) ? Pour moi, rappeler un chien à la cuisine est un apprentissage niveau « maternelle », le rappeler en extérieur, c’est un apprentissage niveau « master » ☺ Puniriez-vous votre enfant de 8 ans s’il ne comprend pas un exercice de maths niveau Baccalauréat ? j’espère que non, pauvre petit ☺
  •  Est-ce que cet environnement est propice à la continuité de mon apprentissage et prend en considération l’émotionnel de mon chien ? (demander un « couché » à un chien craintif alors que plein de congénères autour peut mettre le chien dans l’impossibilité d’effectuer le dit comportement… en effet, si j’ai peur de quelque chose, je préfère rester alerte et prêt à m’enfuir plutôt que de me vautrer par terre).

Avant même de débuter à parler de rappel, considérons le premier signal que nous apprenons à nos chiens : leur nom.

 

Si, dès le premier jour de vie commune, Youki entend 3 millions de « Youki-youki-youki-youki-youki » à tort et à travers, alors que, finalement, soit il n’est point nécessaire d’obtenir son attention (et que, d’ailleurs, on ne l’obtient pas, à force), cette « non pertinence » est mise en place très tôt.

Parfois déjà en « cours chiot » (voir carrément chez l’éleveur si le chiot a été nommé). Si votre chiot joue comme un déjanté ou, au contraire, est préoccupé par l’environnement (ça ne devrait pas arriver mais ça arrive) il ne vous écoutera pas (et son nom devient, rapidement, un truc sans aucune pertinence, intérêt, conséquence intéressante).

 

Je ne compte plus le nombre de clients qui « appellent » (et appellent encore) leur chien par son prénom et que celui-ci continue, imperturbable, à renifler le sol ou à faire ce qu’il est en train de faire comme si celui-ci n’avait pas la moindre signification ni intérêt. on le croirait sourd (sauf qu’il ne l’est pas du tout).

On débute donc par donner à ce nom une importance toute particulière : chez votre chiot, en début d’apprentissage, chaque fois que son prénom est prononcé (une seule fois!) dans un contexte propice (préférablement ennuyeux) et que le chiot vous regarde, il sera suivi d’un renforçateur (qui peut-être une friandise, un gros câlin s’il apprécie, un moment de jeu, une petite « fiesta »)  :-D

 

A contrario, on ne dira pas le nom du chiot s’il s’agit de lui infliger toute forme d’interaction désagréable (mais parfois incontournable, genre lui donner un bain parce qu’il pue la mort suite à roulade dans la nature odorante).

Bref, on « chouchoute » ce premier signal avec soin…

Il est parfaitement possible d’associer une quelconque onomatopée à une friandise (ce qu’on appelle un « interrupteur positif »), voir utiliser un petit nom affectueux qu’on abandonnera par la suite, du style « bébé chien » pour une utilisation provisoire et qui souffrira de quelques ratés pendant qu’on travaille à construire un nom définitif qui, lui, sera porteur d’un historique d’interactions si positives qu’il jaillira comme une information très importante dans l’environnement du chien.

La finalité ultime étant d’avoir un chien qui relève la tête, clairement et avec grand intérêt quand il entend « Youki » dans notre verbiage si largement « non pertinent ». Quand on n’a pas ces fondations, travailler sur le rappel est légèrement illusoire.

Le nom du chien DOIT devenir ce qu’on appelle parfois un « signal précieux »à savoir un signal ultra renforcé.

Ensuite, il faut prendre conscience que tout signal précieux devient un renforçateur secondaire… à méditer quand on entend très souvent les propriétaires lancer le nom du chien quand il démarre un comportement peu souhaitable (vous renforcez la « bêtise »)  :-|

Le rappel est la suite logique de ce premier travail : trop souvent, quand je demande à mes clients comment le rappel a été introduit, il s’avère que le chiot revenait à 2-3 mois, il a été renforcé (au début, puis très rapidement moins « puisque ça roule ») et, au fur et à mesure que le chiot grandit et qu’il devient plus hardi dans un environnement bien sympa et attirant, on se retrouve à répéter ce mot de manière de plus en plus impérieuse sans grand succès (voir plus de succès du tout)  😕

On parle, un peu vite à mon sens, de « crise d’adolescence » alors que, au fond, on n’a juste pas mis en place le moindre apprentissage crédible.

 

En effet, le concept de « l’obéissance » est pour moi une immense illusion humaine : le chien va toujours choisir la conséquence la plus agréable pour lui – entre continuer à renifler cette chose qui « pue très bon » et revenir vers vous pour se voir mettre la laisse et rentrer, son cœur ne balance pas un seul instant  ;-)

Considérez la situation avant de décider comment agir  :-D

C’est l’historique de renforcement de votre signal qui le rendra « pertinent » et intéressant (les chiens d’accompagnement pour mal voyants ont un « signal précieux » qui est le bord du trottoir – qui est le plus renforcé entre tous. On ne laissera jamais le chien aller au bord du trottoir s’il a commis un quelconque impair dans la chaîne de comportements de son apprentissage, parce que cet historique de renforcement renforcera tous les comportements précédents… le trottoir, vous imaginez bien, ne donne pas « d’ordre » au chien – par contre, sa signification est limpide et son historique de renforcement énorme).

Dès lors que vous aurez lancé votre mot de rappel et que Youki aura continué à renifler son trésor odorant, l’apprentissage se fait : ne pas réagir est une excellente affaire – en effet, la conséquence est de pouvoir continuer à faire ce qu’il apprécie de faire.

Si vous vous fâchez tout vert ensuite, toujours avec votre mot de rappel rageusement, il deviendra un signal empoisonné puisque rattaché à l’intimidation et à la peur… ce qui ne va guère lui donner envie de vous rejoindre à l’avenir (tout le contraire). On le voit souvent chez certains chiens qui reviennent très lentement, comme hésitants, ne sachant plus très bien si ce mot spécifique est une bonne nouvelle ou, au contraire, l’arrivée d’une catastrophe imminente.

 

Pensez également à votre « timing » – si, quand vous rappelez votre chien, il arrive gaiement et, ensuite, vous lui demandez « assis » en face de vous et vous renforcez, c’est le « assis » qui est renforcé et pas le rappel (ce n’est pas ce que vous voulez)  😀

 

Même problème si, quand vous rappelez votre chiot à la maison vous devez ensuite aller à la cuisine et chercher laborieusement un « bonbon » – le chien aura effectué un certain nombre de comportements suite au rappel, il ne fera plus la relation directe avec le fait de revenir (soyez « armés » de renforçateurs quand vous êtes en plein apprentissage, ayez un ou des bols de « bonbons » à portée de main).

 

On l’aura compris, si votre mot de rappel est flingué par de très nombreux échecs (et qu’il est donc sujet à notre fameuse « learned irrelevance ») ou qu’il a donné lieu à des énervements de votre part, voir des punitions (signal empoisonné) il va falloir impérativement en changer et tout recommencer

NB : personne au monde ne vous oblige à dire « retour » « viens » ou « au pied » – le mot peut-être « bonbon », « youpidou » ou « bingo »  😀

bingo

Gardez en tête qu’il est infiniment plus facile de conditionner un nouveau mot que de travailler à modifier la perception d’un ancien…

J’ai un peu horreur des protocoles et les approches « how-to » (parce que chaque chien est un individu unique par définition)… mais, de manière générale, un rappel se construit chez vous, dans le calme, voir l’ennui, quand votre chiot (ou chien) n’a strictement rien de mieux à faire que de vous écouter et que vous représentez une source bienvenue d’intérêt.

Mot de rappel = toujours giga friandise (pas la croquette ennuyeuse de sa gamelle mais morceau de saucisse, jambon, fromage, foie séché, friandise maison bien alléchante… et variez ces friandises : s’il vous reste un morceau du rôti de dimanche et que vous n’allez rien en faire, faites-en des munitions d’entraînement).

A répéter à la cuisine, dans la chambre, la salle de bain, le salon, la salle à manger (bref, on aura compris le principe) avant de l’exporter dans votre jardin clôturé (qui est déjà un très grand saut en termes de distractions). A répéter en famille : chaque membre de la famille appelle le chien (une fois!) et il renforce s’il revient – aucun autre membre de la famille n’octroie la moindre attention au chien s’il ne va pas vers la personne qui l’appelle (on peut s’assoir en cercle avec le chiot au milieu).

Rappelez-vous que, pour votre chien, un signal appris avec la pendule de la cuisine face à lui et le frigo derrière lui n’est pas la même chose que s’il a la pendule derrière lui et le frigo face à lui, il s’agit donc de varier à l’infini l’environnement :lol:

Notre monde d’humains est fait d’une masse affolante d’informations pour nos chiens et ils en font ce qu’ils peuvent… ils cherchent constamment à anticiper les conséquences de leurs décisions (et décident en leur faveur évidemment, non, les chiens ne viennent pas au monde pour nous rendre heureux)  :lol:

Chacun d’entre vous aura noté chez son chien quelques « signaux » qui sont d’une parfaite clarté et n’ont pas besoin d’être répétés – genre « on va balader » (ou le simple fait de prendre la laisse en main), manier les gamelles en métal (ils sont tous très intéressés dès le premier cliquetis) ou, dans l’autre sens, la bouteille de shampooing qu’on empoigne et le chien se fait immédiatement la malle (etc. etc. etc.).

 

Là, on ne parle plus « d’obéissance » et, pourtant, les chiens réagissent tous à ces informations ultra pertinentes dans leur monde, pour obtenir, ou éviter, une conséquence. Nos « signaux » peuvent avoir la même clarté et cohérence. 

Question d’éviter les échecs, on aura compris qu’il est parfaitement contre-productif, en plein apprentissage, de lâcher votre jeune chien si vous craignez ne pas pouvoir obtenir son attention et que vous savez que vous devrez le récupérer dans un temps défini ou parce que l’environnement l’exige (dangers).

Si nécessaire, allez le chercher calmement ou, si problématique, ne le lâchez tout simplement pas (la longe est votre amie)  ;-)

longe

Vous ne lâchez votre chien que si et quand votre apprentissage est déjà solide ou, alternativement, l’environnement sécurisé permet d’attendre sereinement que votre chien revienne vers vous de manière spontanée (vous pouvez lancer votre mot de rappel dès que vous voyez votre chien revenir et vous renforcez).

Réfléchir avant de lancer son mot de rappel : demander à Youki de revenir (du jardin) et partir travailler est une véritable catastrophe – la conséquence d’avoir répondu à ce fameux rappel est désastreuse (pour Youki).

A l’identique si votre chien déteste la voiture : utilisez votre mot de rappel pour l’enfourner dans le coffre où il est malade, est un contre-sens  :roll:

En résumé :

  • Obtenez l’attention de votre chien quand vous prononcez son nom et ne le prononcez pas si pas de conséquence gratifiante
  • Faites-en un « signal précieux » (hautement renforcé)
  • Considérez que tout signal « précieux » devient un renforçateur secondaire, ne l’utilisez pas pour stopper un comportement qui vous déplaît
  • Mettez en place le conditionnement au rappel en milieu très peu distrayant au début
  • Augmentez la difficulté par paliers très modestes, rappelez-vous que rappeler votre chien en extérieur est un apprentissage niveau « master » (si les circonstances ne s’y prêtent pas, ne détachez pas)
  • Réservez vos friandises de très haute valeur pour le rappel et variez-les régulièrement, identifiez ce que votre chien estime être une « giga friandise »
  • Pensez à votre timing – c’est le rappel que vous renforcez, pas autre chose
  • Ne rappelez pas si moins de 99% de succès en cours d’apprentissage
  • Rappelez votre chien souvent pour le renvoyer ensuite à ses occupations de chien
  • Rappelez votre chien pour débuter une partie de jeu, lancer la balle, toute interaction qu’il apprécie…

… et bossez, bossez, bossez – on n’a jamais rien sans rien 😀

process

Attachez-vous au processus : les résultats suivront  :-D

Quelques minutes par jour suffisent et seront bien plus productives qu’une heure de cours sur le terrain…

Si beaucoup (infiniment) de chiens n’ont aucun rappel (le chien qui « revient des fois » n’a pas de rappel), c’est tout simplement parce que celui-ci n’a pas été travaillé ou a été travaillé de manière peu pertinente.

A la question : « peut-on avoir un rappel à 100%? » ma réponse sera toujours et inévitablement « non » mais, identifier l’ennemi aidant à le vaincre, crééz un plan d’apprentissage spécifique, suivez-le, renforcez toute la vie du chien  ;-)

Chez les miens, par exemple, un rappel lambda ne sera plus renforcé autrement que par une intonation particulièrement gentille et/ou un mot conditionné, comme « good boy », « good girl », un rappel à fond les ballons en circonstances distrayantes sera payé grassement toute leur vie, à savoir par une friandise (pour certains qui vivent pour manger) ou une partie de jeu (pour ceux qui vivent pour jouer)  :-D

Rédigé par Cynthia Edelman-Rota de MagicClicker

http://www.magicclicker.ch/youki-reviens-le-rappel/

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Dogspirit Education Canine Comportementaliste 06.23.62.50.40 Montpellier et environs Tatjana Cerabona - Educateur canin, spécialiste de la relation Homme-Chien

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