Pas « ok » chien.
Il n’est « pas ok chien », c’est un peu la version courte de : il « ne s’entend pas avec les chiens ». A l’heure actuelle, c’est une étiquette courante que l’on appose à un grand nombre de chiens, notamment lorsqu’ils sont à l’adoption car effectivement il y a une question à laquelle il est impératif que les associations répondent : puis-je adopter ce chien alors que j’en ai déjà au moins un à la maison ? A cette question, la réponse la plus juste serait sans doute « peut-être » car personne ne peut promettre de l’entente entre deux chiens.
Je me souviens notamment d’un cas, il y a un bon moment maintenant en refuge. Le chien est noté OK chien, d’ailleurs, il partage son box sans aucun souci. Une personne vient pour l’adopter comme « second chien » et donc, elle vient faire une rencontre entre les deux. Son propre chien à, de mémoire, tout à fait l’habitude de côtoyer plein d’autres chiens sans aucun souci. Et au moment où il voit celui-ci, il se met à réagir très violemment et la rencontre est simplement impossible. Ce n’est pas dramatique, il n’y a pas de bobo, c’est une simple anecdote sans grande conséquence en dehors du fait que l’adoption ne s’est pas faite. Ces deux chiens sont pourtant sous l’étiquette « ok chien ». Alors, qu’est-ce qui coince ?
Potentiellement :
- le format de la rencontre (en laisse au sein d’un parc, à côté de plusieurs chats, avec un certain nombre d’humains)
- l’individualité des chiens (leurs caractères, leurs manières de communiquer, …)
- la façon dont ils ont été socialisés (ce qu’ils connaissent et rentre dans « leur normalité » ou pas)
Le cas est en fait assez banal, le chien du refuge était un Sharpeï et on peut envisager que le chien de l’adoptant potentiel n’avait jamais rencontré de Sharpeï. Leur face peut être assez marquée pour perturber. Ce qui est alors un problème de socialisation. Le loulou en question pouvait également rencontrer des difficultés de communication dû à son physique puisque les chiens communiquent beaucoup par la gestuelle faciale, ce qui ne lui a pas permis d’apaiser son congénère inquiet. Alors on ajoute un problème dans la manière de communiquer. Et bien-entendu, le format de la rencontre va venir permettre les frictions ou au contraire sera à même de les limiter.
Un chien « ok chien » qui s’avère ne pas être ok avec un chien, ce n’est vraiment pas très grave et assez banal. Si vous avez vous-même des chiens et que vous réfléchissez au réseau social de votre propre chien, vous pouvez peut-être noter que certains leurs déplaisent. Personnellement, ma petite dernière ne supporte pas du tout les chiens harceleurs et a généralisé ça à certaines populations de chiens qu’elle n’apprécie pas. Elle est néanmoins ok chien puisqu’elle vit avec deux autres chiens et fait régulièrement des balades collectives avec une grande variété de loulous. Et ma grande est topissime avec les chiens, c’est une chienne que je peux mettre face à n’importe qui et pourtant, elle m’a déjà montré que certains chiens lui déplaisent totalement. Questions d’individualités. Quant à mon mâle, il pourrait être catalogué « pas ok chien » et pourtant il vit effectivement avec deux chiennes. Si demain, il se retrouvait en refuge, il serait catalogué « pas ok chien » et sans doute totalement isolé des autres. Malgré tout, c’est un chien qui apprécie la compagnie d’autres chiens et qui vit volontiers avec.
Une fois que le chien est catalogué « pas ok chien » on a tendance, malheureusement, à lui retirer toute chance de nous prouver le contraire. Attention, je ne suis pas en train de dire de lancer des chiens « pas ok chien » sur n’importe quel chien, sans aucune forme de prévention. Ce serait potentiellement catastrophique, même si on aurait aussi des tas de bonnes surprises. Non. Ce que je suis en train de vous raconter c’est que si cette étiquette à un but pratique au sein d’une association, à partir du moment où le chien peine à se faire adopter ou après son adoption il est intéressant d’essayer de voir à quel point elle est fausse.
Pourquoi ? Parce que ça permet davantage de liberté pour l’humain, parce que ça peut être rassurant mais également pour le bien-être du chien car être isolé de ses congénères n’est pas forcément sans conséquence. J’aurais même tendance à dire qu’une communication de très loin, faite à un endroit où le chien se sent à l’aise, c’est mieux que rien du tout. Mettre une étiquette « pas ok chien » et la conserver durant des mois ou des années, c’est potentiel néfaste pour le chien en question.
En réalité on peut supposer que la totalité des chiens s’inscrivent sur une courbe débutant de « de son côté aucune rencontre ne peut bien se passer » et allant jusqu’à « de son côté toute les rencontres se passent forcément bien ». Et c’est le moment de comprendre que ce ne sont pas deux grandes cases à cocher, mais une véritable courbe entre ces deux notions.
La question à se poser ensuite, c’est où se situe ce chien sur cette courbe ? Et à partir de quel point, on décide de lui accoler une étiquette « pas ok chien » ? Ce n’est pas une étiquette qui me plait et pourtant, j’aurais tendance à la mettre sur certains chiens. Bon avec de grandes nuances j’avoue. J’ai deux chiens précis en tête. C’est un profil que vous avez peut-être déjà rencontré.
Ce sont des chiens qui ont sans aucun doute eu de graves problèmes lorsqu’ils étaient tout petits. Ils n’ont sans doute pas rencontré d’autres congénères en dehors de leur mère et de leurs fratries. Ils ont un instinct de prédation assez exacerbé et sur leurs tableaux de chasses, ils ont ajouté une ligne « chien ». Des chiens prédateurs de chiens. Alors souvent, ils ne sont pas prédateurs du gros terre-neuve ou du saint-bernard du voisin. Ce sont souvent des chiens de plus petites tailles qui vont être visés, mais pas toujours. J’en ai parlé dans cet articleavec une grande partie sur « comment on évite cette situation »
Néanmoins, factuellement, si ces chiens apprécient ne seraient que la compagnie de leur mère, alors ils ne sont pas totalement « pas ok chien »… et des intégrations peuvent être envisagées.
Et ce sera (presque) le mot de la fin. Je pense qu’il faut arrêter d’envisager la cohabitation entre deux chiens comme une simple rencontre qui se passe bien ou mal. Je pense qu’il serait plus sage d’envisager les choses comme une cohabitation qu’il va falloir soigner, oui, la première rencontre peut être décisive mais elle ne fait pas toute la relation potentielle.
Enfin si jamais votre chien a été annoncé « pas ok chien », j’espère que vous pourrez être accompagné par de bons pros pour explorer voir faire évoluer, en toute sécurité, à quel point cette annonce est vraie ou fausse. Vous pourriez être drôlement surpris.
Rédigé par Céline de Hund.fr à retrouver sur :