Protection de ressource / instinct de survie
La protection de ressources est liée, à la base, à l’instinct de survie : une valeur indispensable à la vie doit être protégée, elle ne peut être partagée.
Pour ce qui concerne nos chiens, à priori, il y a suffisamment à manger pour tout le monde, donc ce comportement n’a pas de raison de se déclencher. Force est pourtant de constater qu’on peut la retrouver dans le cadre familial, souvent en présence de nourriture, mais aussi de jouets, ou d’un espace confortable (la descente parfois délicate du canapé en est un exemple), ou d’un être d’attachement. Le chien défend ce qui, de son point de vue lui « appartient » (on lui a donné, ou c’est à sa portée, ou il l’a trouvé, ou il l’a subtilisé à un autre animal, ou tout simplement c’est agréable et important pour lui). L’émotion ressentie est alors de la colère, dont on peut observer les indices : babines retroussées, grognements destinés à prévenir l’intrus qu’il y a risque de conflit.
Ce comportement peut être tout simplement provoqué par l’humain lui-même, pour des raisons diverses :
• Le manque d’équité : les humains créent une différence de traitement entre les congénères pour des raisons qui leur appartiennent et que l’animal ne peut comprendre (l’autre est plus ancien dans le foyer, ou il est plus vieux (ou plus jeune), ou on l’a identifié comme « dominant »,…). L’un convoite ce que l’autre reçoit et dont il est momentanément privé, et le conflit s’instaure (souvent le gardien résumera ça sous la notion humaine de « jalousie »). Si c’est le cas, il se peut qu’en rétablissant seulement l’équité, en traitant tous les animaux de la même façon au même moment, le comportement disparaisse.
• Le fait de vouloir retirer au chien une ressource dont il dispose légitimement : d’une part, le chien est en train d’en profiter, en tire du plaisir, et n’a donc aucune envie de la voir disparaître ; d’autre part, si l’humain la veut autant, cela confirme qu’elle doit avoir une énorme valeur. Plus on s’acharnera à la lui retirer, plus on lui donnera de la valeur, et moins le chien aura envie de la partager.
• Le fait de vouloir retirer au chien quelque chose qu’il a « volé » (aux humains ou à un congénère) ou trouvé dans la nature : s’il s’en est emparé, c’est qu’il en attendait un plaisir dont il refuse d’être privé. Corollairement, souvent dans ce cas, le gardien met beaucoup d’émotion dans sa tentative de récupérer la ressource (parce que c’est le repas de la famille qui disparaît, parce que ce qui se trouve en extérieur est potentiellement dangereux, pour éviter la bagarre avec le congénère,…). On court alors un fort risque de contagion émotionnelle, de la montée du stress des deux parties, et donc de l’impression de menace ou d’agression fortement ressentie par le chien. Plus on réagit vivement, voire violemment, plus on donne de valeur à l’objet qu’on cherche à récupérer, plus il va lui-aussi lui donner de valeur. Parallèlement, pour peu qu’on crie, qu’on sanctionne et/ou qu’on se montre physiquement contraignant, on renforce la conviction que pour s’approprier ou conserver une ressource, il faut bien se montrer agressif…
Il y a d’autres causes possibles
• une pénurie de nourriture dans le passé (adoption d’adultes)
• le fait que les chiots, chez l’éleveur, aient été habitués à manger dans une seule et même gamelle, et donc, peut-être, aient été amenés à devoir s’affirmer en présence de nourriture
• un excès d’entraînement à la frustration par l’humain qui, trop souvent, a pris l’habitude de supprimer la gamelle non terminée ou le jouet sans compensation (toute peine mérite salaire, tout retrait appelle une compensation : si j’enlève, je donne autre chose en échange)
• la survenue d’autres animaux dans le foyer qui peut éveiller la méfiance (donc multiplier les couchages et les jouets pour éviter les conflits d’intérêt ; surveiller le moindre signe de harcèlement si l’un s’approprie trop systématiquement les objets alors détenus par l’autre)
• un sentiment d’insécurité, un manque de confiance dans son environnement, dans les humains de référence ou dans les congénères du foyer.
Comme toujours, le plus efficace est la prévention : faire en sorte que le chiot soit en confiance, serein et détendu quand il possède quelque chose qu’il apprécie, et qu’il comprenne que l’approche ou la présence d’un humain n’est alors pas une menace, mais au contraire annonce quelque chose de gratifiant. On rend la chose agréable et habituelle, génératrice d’une émotion positive :
• pour la gamelle, ne s’approcher de ce que le chiot mange que pour y ajouter quelque chose d’encore plus appétissant, qu’on laisse tomber sans le regarder ni lui parler (il n’est pas utile de l’associer à un mot). La présence de l’humain vers la gamelle devient alors un plus au lieu d’être ressentie comme une menace.
• si la ressource est un lieu confortable qu’on veut lui interdire (c’est un choix très personnel), faire de la descente (du canapé, du fauteuil, du lit) un moment ludique et largement plus gratifiant à terre ; penser que le chien recherche sans doute le confort (donc lui prévoir des couchages plus confortables), mais aussi peut-être l’odeur rassurante de ses humains (donc lui laisser un tissu portant cette odeur)
• si la ressource est un jouet, le troc est en général efficace. On a donc pris la précaution d’avoir dans la main un jouet identique qu’on lui échange contre celui qu’il tient en gueule : généralement, il lâche le sien pour récupérer celui qu’on lui présente
• apprendre au chien que le fait de lâcher la ressource ne la fait pas disparaître : pratiquer le troc jouet contre friandise de forte valeur (à déterminer pour chaque individu), puis redonner le jouet. L’activité devient un jeu partagé qui apprend au chien que renoncer, c’est peut-être gagner. On peut pratiquer cette activité avec des ressources diverses, y compris alimentaires quand le chiot est très en confiance (os, objet à mastiquer,…)
Si le comportement est déjà installé :
• il n’y a pas lieu d’insister sous prétexte de le « dominer » ou d’être reconnu comme « le maître » ou « celui qui commande » : du point de vue du chien, on devient une menace, et c’est donc le meilleur moyen de risquer une résistance accrue d’abord, une morsure ensuite
• on laisse son chien profiter des ressources dont il dispose sans les lui retirer en sa présence : ce qui est à lui est à lui
• dans les foyers où on accueille plusieurs animaux, tant que la question n’est pas résolue, on ne propose jamais les ressources qui posent problème (nourriture, jouet,…) quand ils sont ensemble. L’utilisation de barrières bébé ou de grilles de parc à chiot permettant aux chiens de se voir sans se toucher, et de partager ainsi un moment agréable, de léchage ou de mastication par exemple, en présence et à vue mais sans risque, peut être un outil précieux. Cette situation peut, dans certains cas, permettre de construire une association positive avec la présence du congénère
• on a généralement tout intérêt à contacter un professionnel capable d’analyser les causes et de trouver une solution adaptée à chaque individu.
En cas d’urgence (le chien a attrapé quelque chose qu’on estime potentiellement dangereux en balade, par exemple), on peut tenter le troc : on a avec soi une friandise de grande valeur qu’on lui présente sans essayer de récupérer ce qu’il a en gueule. Il peut alors le lâcher pour s’emparer de la friandise. Si ça fonctionne, on récupère et on dissimule ce qu’il a lâché sans parler, sans réagir, sans le regarder pour faire du moment un non-événement…
Article rédigé par Sylvie parlons chiens à retrouver sur : https://www.facebook.com/profile.php?id=100070588812662