L’enquête autour de César Millan doit servir d’électrochoc aux éducateurs canins
Un grand nombre d’entre vous connaissent César Millan, notamment à travers son émission TV. Vous ne savez peut-être pas qu’il a fait l’objet d’une enquête pour cruauté envers les animaux.
Cela n’est pas particulièrement surprenant lorsque l’on connait réellement les techniques qu’il utilise dans son émission. César Millan n’est, malheureusement, que la partie visible et médiatisée d’une mauvaise branche de notre profession.
Je suis passionné par mon métier et comme tout passionné je suis très préoccupé par ce qui se passe dans mon domaine d’activité. Je pense que le fait que les méthodes de César Millan soient remises en question doit servir d’électrochoc aux éducateurs canins. Nous devons effectuer des changements majeurs dans notre profession et bannir des clubs et autres services d’éducation ces méthodes archaïques.
Sans lien avec ce qui se passe dans l’enquête, il est vrai que César Millan, et de nombreux autres éducateurs canins, continuent de conseiller aux propriétaires de chiens d’utiliser la force et l’intimidation pour entraîner leur chien en basant leur méthode sur la théorie de la dominance. Ils continuent de le faire alors que de nombreux articles, notamment présents dans l’American Veterinary Society of Animal Behavior, dans l’Association of Professional Dog Trainers, dans l’Humane Society of the United States mais également par de nombreuses organisations crédibles à travers le monde, critiquent l’enseignement de cette théorie et les enseignements étant basés dessus.
En réalité, pour les chiens ayant des troubles d’agressivité, plusieurs études démontrent qu’utiliser des méthodes faisant appel à la force ne fait que renforcer ces comportements agressifs plutôt que de les améliorer. Par exemple, cette étude publiée au Journal of Applied Animal Behavior nous apprend qu’utiliser des méthodes coercitives, comme le fait de taper son chien, les intimider, les mettre sur le dos de force ou encore les fixer tout en bloquant leurs mouvements, conduisent très souvent le chien à répondre en agressant.
César Millan va fréquemment argumenter en disant que les chiens ont besoin d’apprendre qu’ils ne sont que des simples « membres d’une meute ». Il nous dit que nous devons être le « chef de meute » et que c’est le seul type de hiérarchie que comprennent les chiens. La vérité c’est que la science moderne a démontré que les propos de César Millan sont faux. Les idées de Millan sont basées sur une compréhension archaïque du comportement des loups que les chercheurs ont, depuis longtemps, discrédité.
Comme nous l’apprend L. David Mech, l’un des experts du comportement des loups les plus reconnus au monde, les loups obtiennent le statut de « chef de meute » simplement par le fait de grandir, de s’accoupler et de se reproduire. Les rôles de « chefs » sont en réalité plus proches de « l’autorité parentale » qu’autre chose et la structure d’une meute de loup est très proche de la structure d’une famille humaine.
Cela me surprend de voir autant d’éducateurs canins encore se référer à cette théorie rejetée scientifiquement depuis bien longtemps. Toutes les techniques basées sur la notion de « chef de meute » ou « d’alpha » sont malavisées. Le fait que ce mythe ait persisté pendant si longtemps, malgré les études scientifiques, nombreuses, et contraires, signifie que nous avons tous, en tant que professionnels animalier, un devoir d’information afin d’éclairer le public.
Si les chiens descendent bien évidemment des loups, il y a un détail important que semble avoir oublié César Millan dans ses méthodes. Depuis des milliers d’années, l’Homme a élevé des chiens spécifiquement dans l’objectif que ceux-ci soit plus à l’écoute et plus coopératifs avec nous tout en ayant des utilités spécifiques (comme l’élevage, la chasse, la récupération ou, tout simplement, la compagnie). En d’autres termes, nous avons créé différentes races de chiens parfaitement capable d’apprendre et d’interagir avec nous. Se concentrer sur leurs ancêtre les loups plutôt que de prendre en compte et apprendre les différenciations des races, reflète surtout un refus de reconnaître la raison même pour laquelle le chien moderne existe aujourd’hui.
Alors, quelle est la bonne réponse ? Le véritable apprentissage passe par la communication et non par la dominance. Nous devons traiter nos chiens avec respect et promouvoir un lien fort et plein d’amour par des renforcements positifs et non par des punitions. Nous devons apprendre à nos chiens à penser par eux-mêmes et à se comporter de la façon que l’on attend parce qu’ils en ont envie, et non pas parce qu’on les y aura forcé.
Et pour les chiens agressifs ? Les meilleurs résultats s’obtiennent si l’on comprend le cas individuel du chien, leur histoire si possible, leur génétique et, plus important encore, le contexte qui amène le comportement du chien. Ce n’est pas en appliquant une méthode unique, appliquée de manière similaire à tous les chiens, que l’on apportera une solution crédible et efficace.
De plus, lorsque l’on souhaite montrer à un chien le comportement que l’on attend de lui, nous devons également prendre en compte l’environnement alentour. Il est nécessaire de travailler dans un maximum d’environnements différents, le chien n’étant pas capable de généraliser une « commande » à tous les environnements existants. C’est une erreur que César Millan, et de nombreux éducateurs canins, commettent bien trop souvent.
Je suis certain que César Millan, et d’autres, ne pensent pas forcément à mal, mais nous n’avons pas le luxe, en tant que professionnels, d’être négligents quant aux conseils que l’on donne aux gens. Tous les éducateurs canins et les comportementalistes doivent s’efforcer d’élever les standards quant à l’éducation de nos chiens en se tenant continuellement informés des dernières découvertes scientifiques ainsi que des avancées liées à l’éthique animale.
Ce n’est qu’ainsi que nous ferons évoluer positivement les techniques existantes et que nous en découvrirons de nouvelles !